mardi 23 avril 2024

Apocalypse +30, le changement de paradigme

Je reviens une nouvelle fois sur les enjeux de la première période messianique. Personne ne saurait nier le basculement de l’humanité à ce moment là. Le calendrier est LE dogme fondamental que la civilisation chrétienne est parvenu à imposer au monde entier. Il ne viendrait à l’esprit de personne de remettre en cause la date du jour. Et pourtant, quoi de plus brutal que la définition temporelle par un groupe d’individus limité? Il y aurait énormément à dire sur le calendrier que nous utilisons et notamment qu’il ne va pas dans le sens de la nature. Mais là n’est pas mon propos. La notion d’un avant et d’un après parait incontestable, mais quel est la nature de ce changement de paradigme? Ce qu’il est essentiel de saisir est à la fois la représentation que se faisait le peuple juif, dans la période du second Temple, de « Dieu », et aussi  bien la compréhension que le monde païen avait du Dieu d’Israël. Il est clair que le monde antique était bien dans une conception divine polythéiste. Des concepts complexes humains divinisés. Les attributs divins sont tout simplement décomposés, comme pour en faciliter la compréhension globale. Une étape intermédiaire. Il y a aussi une notion importante et qui est la clef de voûte de tous les événements: le tribalisme. Si chaque concept a son dieu, chaque peuple possède son panthéon. Ainsi, la victoire dans les combats, la progression de la science ou la clémence du temps sur les récoltes favorisant un peuple par rapport à un autre sur la domination d’un territoire implique nécessairement une hiérarchie dans les différents dieux. Dans cette jungle belliqueuse, certains peuvent faire le choix de n’adorer qu’un seul dieu. Mais ne nous y trompons pas, il ne s’agit en aucun cas de monothéisme. Si un seul dieu est adoré, c’est qu’il est considéré tout simplement comme le plus fort de tous. Nous pouvons alors utiliser le terme de monolâtrie. Les signes de domination peuvent venir renforcer le culte, faire grossir le rang des fidèles, donc des combattants. Une spirale de succès peut se créer sur l’exploitation de la croyance. Les dieux ou un dieu deviennent des symboles, des portes étendards, des gris-gris somme toute. Les dieux aiment les forts, les puissants, les vainqueurs. Ils n’ont que faire du cœur. Le cœur est l’arme des faibles. Ou bien il y a un dieu secondaire dédié à cela.

Nous percevons donc nettement le changement de paradigme du monde antique dans sa globalité, même si le processus prit de nombreux siècles. Toutefois, je pense qu’il serait faux de considérer que le peuple d’Israël ait assimilé le principe de transcendance plus tôt que les autres. Certains érudits oui, mais pas le peuple dans son ensemble. Il y a en cela de nombreuses preuves. C’est Abraham, paix sur lui, qui le premier, saisit l’essence de la transcendance. Mais le monde n’était pas prêt. Plutôt que de s’user dans un ministère prêchant l’unicité, son rôle fut avant tout de poser les bases. Ainsi il voyagea énormément dans des poins clefs et connut une nombreuse descendance (c’est la signification de son nom).

La mission de première diffusion réelle du message de l’Unicité était dévolue à Moïse, paix sur lui. Nous étions à une époque où les pharaons étaient considérés comme des divinités. Le ministère de Moïse s’articula donc autour du combat de Dieu contre les fausses divinités terrestres.

Si se construire autour d’un ennemi commun est fédérateur et peut aboutir à l’émergence d’un vrai peuple avec une identité forte propre à porter et diffuser un principe complexe, c’est aussi un principe qui a son revers de la médaille: un tribalisme exacerbé qui peut induire une espèce de notion de « propriété exclusive » à l’égard de Dieu non reconnu dans sa pleine dimension. L’épisode du veau d’or en est la conséquence immédiate: si les hébreux sont reconnaissants du dieu qui les a menés à la victoire, ils n’en sont pas moins reconnaissants à d’autres dieux tel Baal. Moïse, paix sur lui, est en réalité un des rares qui a réellement saisi l’Unicité divine. Cette compréhension prend du temps, beaucoup de temps.

C’est ainsi qu’après un certain temps où les Juges rendent la justice suivant la Loi, le peuple réclame un roi. Israël aspire à un être un peuple à part entière. Il rêve de prestige, de gloire. La gloire de leur dieu. Un dieu qui leur assurera la victoire militaire face aux autres puissances. Il est trop tôt, un roi doit être oint. Dieu prévient néanmoins de l’issue fatale et inexorable d’un régime royal. (Samuel 8)

Israël connait une période grandeur car les rois sont pieux, mais le polythéisme est un mal omniprésent dans la société. Seule la contrainte par la violence permet de supprimer le culte des idoles. Ce n’est pas une solution sur le long terme car le mal est plus profond.

L’archéologie est un formidable appui en histoire de la théologie. Les nombreuses fouilles ont révélé la présence d’idoles au sein de la communauté d’Israël antique durant une longue période après la révélation de la Torah. Il aura fallu attendre le 2 Décembre 2015, pour que l’annonce soit faite de la découverte d’un sceau royal, donc de la plus haute autorité dans le royaume, ayant appartenu à Ezechias. Voici le sceau en question:

Les inscriptions sont bien lisibles et sont en caractères paléo-hébraïques. On peut y lire: Ezechias fils d’Achab, roi de Juda. Il s’agit donc du roi qui a régné sur Jérusalem au moment où cette ville s’est agrandie suite à l’immigration massive résultant de la chute du royaume d’Israël (le royaume du nord) de -722. Face à l’augmentation démographique, Ezechias fut contraint de faire creuser un tunnel destiné à détourner l’eau de la source de Gihon vers les piscines de Siloé, au pied des murailles de la cité royale (appelée de nos jours « cité de David »). Naturellement, les humains s’établissent au fond des vallées et ne font justement pas face à ces problèmes d’alimentation en eau. Cette particularité cache le lourd secret de la ville qui n’est pas celle qu’elle prétend être.

Chacun aura remarqué les dessins qui accompagnent les écritures. Nous pouvons voir clairement un disque solaire et ses rayons qui partent au dessus et au dessous. Tandis que sur les cotés, y sont rattachées des ailes. Bien que penchées vers le bas, cette représentation ressemble fortement à celle du dieu égyptien Horus, tel qu’il est adoré à Edfou. Horus le dieu faucon, dont il ne reste que les ailes, le corps illuminant le monde. L’origine de ce dessin est confirmée par la présence de deux ankhs de part et d’autres (l’une des deux est moins visibles puisque dessinée sur une partie manquante). L’ankh est un hiéroglyphe égyptien qui signifie la vie, et qui est systématiquement associé aux représentations des dieux égyptiens. La combinaison des trois symboles, ailes, soleil, ankhs, ne peut être l’effet du hasard ou signifier autre chose que la représentation du dieu Horus.

500 ans après avoir quitté l’Égypte, les rois d’Israël et de Juda sont donc encore dans la matrice polythéiste égyptienne. Ils pratiquent donc un culte monolâtre de Horus, le dieu solaire. Il faut voir ici, l’influence de la pensée « illuminante », trahie, encore une fois, par le symbolisme.

Horus d’Edfou

Fin du 7ème siècle avant notre ère, le roi (j)osias est parmi ceux qui mènent avec la plus grande fermeté les persécutions contre son propre peuple sur le sujet. A première vue, nous pourrions croire qu’il fait parti de ceux qui ont compris ce qu’était l’Unicité. Or, sa conception de la mission de Moïse, paix sur lui, est erronée. Pensant qu’il est un guerrier ayant l’appui indéfectible de son dieu, il mène alors bataille contre le pharaon certain de remporter aisément le combat. Il n’en est évidemment rien, puisque (j)osias n’est ni pieux ni vraiment monothéiste, et il meurt bêtement, parce que trop facilement, sur la colline de Meggido (Har Maggedon). Il ne s’écoule que très peu d’années entre cet échec et l’exil à Babylone. Si l’exil à Babylone peut sembler apparaître aux yeux de l’histoire comme un formidable bond en avant dans la compréhension de la dimension transcendante grâce à la recréation d’un culte sur des bases dématérialisées, il est aussi l’origine de l’introduction d’une pensée dualiste construite au sein du monothéisme. Mais tout ceci ne concerne que l’élite des hébreux, une poignée d’individus.

Au retour d’exil, ce serait encore une fois un conflit ouvert entre l’élite prétendument monothéiste et le peuple adorateur d’idole.

Seul un choc plus puissant encore que l’exil à Babylone peut amener l’ensemble d’Israël a devenir purement monothéiste dans son ensemble et ce choc est la période messianique et tout ce qui en a découlé. C’est à dire, un Dieu qui se révèle dans le sacrifice et la faiblesse, tranchant radicalement avec un Dieu de puissance, et d’autre part la destruction du Temple, les meurtres entre factions juives, la violence romaine.

Il est tout à fait envisageable de considérer que parmi les penseurs du monde païen antique, certains avaient déjà compris l’Unicité divine. Cela pourrait expliquer la facilité avec laquelle le message messianique initialement destiné uniquement à Israël, s’échappa de la Terre promise et se diffusa tout autour de la Méditerranée. Idéalement, Israël, peuple en exil permanent, avait les ressources humaines pour répandre le message messianique dans le respect de la Loi. Il y avait de nombreuses communautés implantées un peu partout. Mais c’est bel et bien la violence qui a gagné. C’est la violence qui a précipité Israël dans sa chute.  Il n’a pas pu résister au changement de paradigme de passage effectif du polythéisme monolâtre au monothéisme pur. Mais ceci est une conséquence et non une cause et n’entame en rien la réussite du basculement. L’humanité possède un libre-arbitre global aussi et a choisi le scénario qui lui convenait le mieux. 2000 ans plus tard, nous voyons, que si l’humanité a grandement progressé dans cette compréhension, ce n’est toujours pas fini. Y compris pour la question fondamentale de l’Unicité, puisque encore une grande majorité de croyants croient toujours en l’incarnation de Dieu sur terre.