jeudi 18 avril 2024

La croix

Le symbolisme n’a pas sa place en Islam. Récemment je montrais que le croissant et l’étoile étaient des symboles indiquant la soumission réelle des musulmans au sionisme. Je ne suis ni un fan de crucifixion ni des symboles négatifs. Si j’ai intitulé cet article la croix, c’est que j’aspire à rendre à ce dessin sa nature première: la représentation d’un repère orthonormé. Le but de ce texte est de montrer que  la religion est en définitive un outil pour permettre à chacun de nous de nous centrer. Harmonie du corps et de l’esprit en nous-mêmes, harmonie avec la nature et les êtres  à l’extérieur et comme conséquence du travail intérieur. Ne supportant pas le baratin new-age, je vais tâcher de ne pas tomber dans les travers de discours pseudo-mystiques ou prétendant exposer un savoir inaccessible au commun des mortels. La théorie n’est qu’un outil. Pour s’accomplir en tant qu’humain, il faut s’en extraire. L’ensemble de ma compréhension s’est fait au travers de mon vécu. Et ce vécu n’a rien d’extraordinaire. N’importe qui peut expérimenter les mêmes choses, il suffit de le vouloir. Bien sur, ne soyons pas trop naïfs, je m’adresse bien ici à un européen lambda.

Ce qui fait ma particularité, ce n’est pas tant l’originalité de ce que j’ai vécu, mais plutôt la diversité. J’ai côtoyé des milieux et abordé des questions sous des angles totalement différents.

Ces derniers mois, je n’ai fait que traiter de sujets autour du monothéisme et de l’histoire. Si l’on remonte aux instants de ma prise de conscience, on s’aperçoit que j’avais un discours beaucoup plus vaste. J’englobais alors les philosophies asiatiques dans ma réflexion. Au fur et à mesure de ma progression dans la compréhension de l’Islam, je délaissais totalement cet aspect. Je n’étais alors pas capable de faire la synthèse et je n’avais pas d’autres choix que d’attendre. L’esprit encombré par les contradictions, je m’étais donc contenté de mettre dans un coin de ma tête l’approche bouddhique des choses. Si d’aventure la conversation abordait le sujet, je me contentais de confirmer la supériorité légale du Coran sur tous les sujets en suggérant qu’il puisse exister des savoirs non-liés à la transcendance à prendre en compte dans d’autres peuples.

Allah a dispensé une partie du savoir universel aux ancêtres des indiens. Comme tout enseignement divin, celui-ci a été corrompu, avec notamment l’introduction de fausses divinités. Puis Bouddha est venu avec la lourde charge de réformer l’Hindouisme. Il est absolument essentiel de comprendre qu’il n’a jamais prétendu à la divinité ni à l’adoration et qu’il n’a jamais prétendu dispenser des enseignements en lien avec la transcendance. Bouddha était un chercheur. Il a dédié sa vie à la quête de l’éveil. Comme tout explorateur du spirituel, il a connu des moments de grand égarement. Ce sont ces moments qui sont en réalité les plus formateurs. Pour comprendre réellement, il faut expérimenter et endurer. Parce qu’il était guidé, il a fini par trouver et son savoir s’est transmis. Ce qu’il en reste ne sont que des bribes. Ce n’est certes pas en allant au Tibet ou en visitant le Dalaï Lama que vous trouverez la vérité. L’expérience de l’éveil de Bouddha n’est qu’un point de départ. L’étincelle de naissance d’une sagesse qui s’est transmise jusqu’à nous. Cette sagesse, chacun de nous est en mesure de l’expérimenter. Les voies sont multiples. Il vous faut juste saisir que la voie à emprunter est celle de l’harmonie horizontale, celle du lien entre le corps et l’esprit et par extension la nature. Il vous faut bien saisir l’indépendance de la transcendance et de l’immanence. Pour vous donner un exemple parlant, imaginez une personne qui vit en harmonie avec la nature, s’appliquant à avoir un impact inexistant, entouré d’animaux et de ses proches. Cette personne peut très bien penser qu’elle est supérieure aux autres et c’est en quelque sorte une forme de misanthropie qui va la pousser à fuir la société. Il faut comprendre que vivre dans la nature est un luxe. Les gens qui s’entassent dans les banlieues n’ont certes pas ce choix. Et puis il faut aussi considérer que toute la connaissance dont se servent ceux qui s’échappent est un trésor inestimable de la part de la société qu’ils rejettent. Dans ce cas là, nous voyons bien que si l’aspect immanent est positif, la transcendance se dirige du mauvais coté.

Généralement, en ce qui concerne l’européen moyen, il n’est pas abusif de le placer en bas et à gauche du schéma. Étant les plus éloignés du centre, c’est donc bien à nous de consentir aux plus grands efforts. Cela dit, ces dernières années, il semblerait qu’il y ait un mouvement global de l’humanité vers le tout négatif. L’avantage, lorsque l’on touche le fond, c’est que l’on peut donner une impulsion pour remonter vers la surface.

Mais assez tergiversé, chacun peut établir son diagramme avec ses propres valeurs et objectifs et décider de progresser. Chacun peut comprendre les enjeux de l’humanité et essayer d’agir à son échelle.

Il me parait plus opportun de vous faire part de mon expérience.

Tout a commencé un été de 2007. Nous étions 4 garçons. 4 personnalités très affirmées dans des styles radicalement différents. Nous avions tous gouté à des choses extrêmes. Des aventuriers. C’est un peu sur un coup de tête, et parce que cela nous avait été grandement facilité que nous décidons de partir pour le festival trance « Freedom » au Portugal. Nous louons une voiture et fonçons à travers l’Espagne sans nous préoccuper de quoi que ce soit. De gentils parasites européens, somme toute. Mais je vais cesser de nous rabaisser, je crois que tout le monde aura saisi la situation. Nous arrivons de nuit et complètement épuisés. Le festival est déjà commencé et il ne dure que quatre jours. Il est donc hors de question pour mes acolytes de perdre une seule seconde. Ils se mettent en quête de produits pour tenir le choc. Bien que nous ne soyons resté que 3 jours, chacun a été tellement bouleversé par l’expérience qu’il n’en reviendra jamais vraiment. Difficile de décrire le flot de sensations qui nous ont submergé. Le temps n’a plus de prise. Il n’y a plus de nuit ni de jour. Nous avons surtout ouvert notre cerveau au MDMA, une puissante drogue de synthèse, qui allie les effets de toutes les drogues connues et qui s’applique à merveille au contexte de la trance. Il me serait impossible de vous dire tout ce que j’ai pu vivre, ma mémoire s’est effacée. Et tant mieux. Il ne reste que des bribes. Ce qu’il faut juste retenir c’est qu’une porte de perception était ouverte et que dans les années qui ont suivi, bon nombre de gens ont suivi nos traces avec le même engouement.

Oui, la trance est une sorte de religion. D’autres en parlent mieux que moi. D’ailleurs, je ne suis pas forcément représentatif des tranceux. Réduire la trance au son électronique, au « boum-boum », à la chaleur, à la liberté quasi absolue serait une erreur. La trance c’est tout cela à la fois, et c’est aussi rien de cela. Car lorsque l’on va au fond des choses, les vraies valeurs de la trance apparaissent au grand jour lorsque la musique s’arrêtent et que les perchés disparaissent. On comprend alors l’engouement de nos parents pour les années hippies. Nous sommes des néo-hippies.

Pour un esprit conservateur et droit, l’idée même d’une telle vision de la vie est insupportable.  Il est clair qu’en apparence, cette philosophie de vie parait totalement incompatible avec l’Islam. En apparence seulement.

Parce qu’en réalité, lorsque l’on se dépouille de tout, que l’on prône le partage, que l’on vit les uns sur les autres dans des conditions difficiles, des règles de vie s’instaurent tacitement. Et malheur à celui qui y déroge. La voie de la liberté absolue nécessite une très haute valeur morale. Surtout sur le long terme. Il est difficile de tricher. Voire impossible. Et la miséricorde est une valeur essentielle. Si bien, que l’on finit par réaliser que la trance, dans son essence, parvient à mener chacun dans un comportement prôné par les religions. Tout en s’affranchissant de la peur d’être jugé par Dieu. Ce qui signifie, en clair, que le bon comportement devient un acte complètement désintéressé. Il m’apparait qu’il s’agit d’un témoignage de foi réelle bien plus que toutes les démonstrations ostentatoires dans les lieux de cultes.

Dans ces lieux hors du temps, j’étais dans une sorte de laboratoire du futur de l’humanité. Et Dieu sait, si l’humain peut être beau parfois.

Mais j’y ai vu aussi les pires choses. Lorsque la beauté rayonne, le mal n’est jamais loin.

Maintenant que mon coeur s’est ouvert à l’Islam, je ne vois plus les choses de la même manière. Il y a pour moi quelque chose d’essentiel dans la trance, et qui me manque. Mais en l’état d’actuel des choses et sachant ce que je sais, y retourner serait une souffrance. Les guerriers et les fées sont minoritaires. La majorité des gens sont atroces et complétement déglingués.

La trance est tout aussi corrompue que l’Islam. Quel gâchis! Quelle tristesse! Mais j’ai confiance en Allah. Je sais qu’Il ne fait pas miroiter ces choses en vain. Je sais qu’il est possible de tirer la quintessence de la trance et de l’Islam. De la liberté absolue et de la soumission. De ce qui apparait comme totalement opposé mais si proche en vérité. Je voudrais pouvoir trouver les mots pour parler aux uns de la beauté des autres. Qu’ils s’allient. Les meilleurs d’entre eux sont si proches au fond. Moi, je ne suis qu’un observateur. J’ai triché en prenant de la drogue et j’ai pu accéder à l’état de trance alors que certains ne gouteront jamais à cet état. J’ai pris un raccourci comme un enfant gâté. De la même manière, Dieu m’a fait prendre un raccourci jusqu’à Lui. J’étais si loin de Lui. Ce que j’ai vécu ce jour d’hiver 2012 chez moi a été aussi bouleversant que ce jour d’été 2007 au Portugal.
Je suis donc redevable. Pour toujours.

Paix.

 

 

Ohm, omniprésent dans la trance. Ce n’est pas un symbole mais un mot composé de trois sons: A U M, naissance, vie et mort. Le cycle de la vie.

Notes:

Ozora 2011

« Moïse » et le feu:


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Elle et lui:
https://www.stephanpain.com/2012/11/23/elle-et-lui/

Boom 2012
https://www.stephanpain.com/2013/04/23/mon-combat-contre-les-versets-sataniques/