vendredi 29 mars 2024

Entre les murs

Dernières modifications le 7 mars 2019·10 minutes de lecture

“Pour cueillir des mûres, il faut accepter de se laisser piquer. Ceci est une sagesse pour endurer les épreuves et grandir en foi.” me dit-il.

Pour comprendre comment je l’ai rencontré, retournons quelques jours en arrière. L’ambiance en France est délétère. Un énième “acte antisémite“ fait la une des médias. Le président s’apprête à se rendre dans l’est de la France. C’est le bon moment pour fuir Paris. Je vais sur le tuyau à la recherche d’une vidéo sur les Gilets jaunes. La première qui apparaît est celle d’un homme qui fait son tour de France. Quelques jours plus tôt, il était à Pontivy en Bretagne. A l’opposé de la destination présidentielle: cela ira très bien! 450 km tout de même. Et le temps, incertain, est encore bien rude. Mais me voilà parti. Une fois arrivé sur place, c’est pour constater que le samedi de manifestation était un événement ponctuel. Les bretons ne cherchent pas la centralité, le lieu change chaque samedi. Le prochain sera à Rennes. Rendez-vous est donc pris.

Il faut donc que je m’occupe d’ici-là. Sur les images, j’avais bien vu qu’il y avait une rivière qui coule dans la ville. Je me renseigne sur les moyens de transports. Cela me parait relativement compliqué d’organiser une descente de kayak le long de cette rivière. Et ce, d’autant qu’il y a un grand nombre d’écluses sur le cours d’eau. Après avoir hésité entre descendre vers Vannes ou monter vers Saint Brieuc, je me décide pour le deuxième, car le Lac de Guerlédan, qui m’a été conseillé, le plus grand de Bretagne, est au nord. Sur la route, je passe par la ville de Mur. Ce nom, je l’ai toujours connu. C’est celui qui est inscrit en première page de mon livret de famille:

Je n’y ai jamais mis les pieds. Depuis, que j’ai rebâti des ponts avec ma famille, j’ai toujours entendu parler de cette ville et d’une maison de famille. Quoi que je veuille, je suis lié à cette ville inconnue. Malgré cela, je traverse la ville sans même ralentir. Je ne vois décidément pas ce que je pourrais y faire. Après tout, je connais déjà les noms des différents protagonistes. Je ne vois pas ce que cette ville pourrait m’apprendre de nouveau. A Saint Brieuc, je fais la connaissance d’un frère. Il m’invite chez lui. C’est un personnage atypique. Il se balade constamment avec une canne et s’adresse à tous les jeunes du quartier comme si il était leur père. Il a le contact facile. Pour quelqu’un de réservé comme moi, c’est une grande leçon de vie. Il me fait découvrir ses endroits favoris le long de la côte. Nous passons quasi tout le temps ensemble, de sorte que j’abandonne mon projet de lac pour cette semaine là. Ce sera la semaine prochaine. Samedi matin je le quitte, direction Rennes. La manifestation est un peu décevante. Le centre ville est entièrement bouclé. Le cortège est vite stoppé. Cela tourne rapidement à l’affrontement. Et moi qui pensait que Paris était violent. Je n’ai jamais été aussi gazé que ce jour-là. Impossible d’en réchapper. Dimanche midi, je décide de repartir vers l’ouest. Me voilà dans la petite mosquée de Loudéac, non indiquée sur les cartes, mais dont on m’avait parlé à Saint Brieuc. J’y fais alors la connaissance de deux frères. Nous arpentons la ville à la recherche d’un endroit ouvert pour manger. Tout en marchant autour de moi, les deux amis discutent religion avec grande ferveur. Peine perdue, tout est fermé le dimanche dans cette ville. Changement de stratégie: l’un d’eux décide d’organiser un barbecue, tandis que l’autre me propose de venir chez lui car il a beaucoup de place. Le barbecue sera en bordure de ce fameux lac, situé non loin de Mur, où ils résident tous les deux. Je trouve le détail amusant, j’étais loin de me douter de ce qui allait se passer.

La façade de la mairie de Mur vue depuis le seuil de mon hôte

La façade de la maison de mon hôte donne vers cette fameuse mairie de Mur. C’est en réalité, la maison la plus proche de l’entrée. Bien, me dis-je, je ne vais pas pouvoir me défiler. Il va falloir se pencher sur mon passé. Cela est clairement la volonté du Créateur.

Nous rentrons du lac bien après que le soleil soit tombé. Il fait froid. La maison n’est pas chauffée et je constate son état déplorable. Il y a de la moisissure partout. Elle est gorgée d’humidité. Constatant que mon hôte tousse, je décide de dormir la fenêtre grande ouverte pour éviter de respirer cette atmosphère pendant mon sommeil. Fort heureusement, j’ai pris mon duvet militaire, ainsi que le sursac. A l’étage, les trois pièces sont vides. Il m’installe un vieux matelas dans celle du milieu. Je déroule mon sac dessus, ouvre la fenêtre. Enfin, j’éteins la lumière grâce à l’interrupteur situé non loin de la fenêtre et me retourne pour me glisser rapidement dans mon sac. Je reste figé au milieu de la pièce: voilà qu’au dessus du matelas, sur le mur, la lumière dessine une forme étrange.

J’ai beau avoir l’habitude des signes spectaculaires, celui-ci me cloue littéralement. Après quelques secondes, je cherche à comprendre la nature de cette image. Il y a des lampadaires dehors. L’un d’eux qui éclaire la fenêtre ouverte, produit cette image en forme de croix au milieu. La croix se déplace donc en bougeant le panneau. Je suis beaucoup plus intrigué par les deux formes qui s’arrondissent vers le haut. Je finis par comprendre qu’il s’agit de la dernière fenêtre de la mairie à plusieurs dizaines de mètres qui se reflète ainsi, avec des rayons concentrés en une ligne. Aucune idée du pourquoi du comment. Frappé une nouvelle fois par la puissance du Créateur, je me couche donc avec cette forme lumineuse au-dessus de la tête non sans l’avoir pris en photo. Je ne peux résister à l’envie de la partager le lendemain. Chacun y verra ce qu’il veut y voir.

Le lundi matin, je me rends donc à la mairie. C’est le point de départ de mon enquête sur mes liens familiaux avec celle ville. Les livres contiennent l’acte de mariage des Pain de 1971 tel que décrit dans mon livret de famille. J’apprends l’adresse de cette fameuse maison familiale. Je fais la connaissance des voisins et des nouveaux propriétaires. Au cours des jours qui suivent, je vais à la rencontre de tous les gens qui ont connus tel ou tel membre de ma famille. Quelqu’un retrouve une photo de la mère Quitterel épouse de Jacques Pain.

Le mercredi, je fais du kayak sur le lac. 12 km de long. Je n’ai pas eu le temps d’aller jusqu’au bout. 20km à la pagaie tout de même! Il faut savoir que Jacques Pain s’est tué en conduisant un minibus qui tractait des kayaks. Cette histoire de kayak gonflable qui tient à l’arrière de mon minibus, c’était un peu pour conjurer le sort de cette histoire que je connaissais depuis quelques années maintenant. Le lendemain je me décide à aller sur la tombe de Jacques et de Madeleine.

Je ne fais pas plus attention que cela à la forme de la pierre tombale. Après tout, nous sommes en Bretagne, pays de marins. Arrive le vendredi, cette fois le presbytère est ouvert. La dame me propose de repasser en fin d’après-midi pour lui laisser le temps de chercher dans les archives. Je vais donc à Pontivy pour le prêche du vendredi. Invité par des frères à manger, je repars tard et rentre précipitamment sur Mur. Une surprise m’attend: la dame a trouvé un autre acte de mariage: celui du mariage Pain de 1947. Ainsi donc, le père et le fils Pain se sont mariés au même endroit à 24 ans d’intervalle. C’est d’autant plus curieux qu’aucun de ces membres de la famille n’est né à Mur. Il faut remonter au père Quitterel en 1892 pour trouver quelqu’un qui y est né.

Cette semaine de recherche sur ma famille a été fort enrichissante. Je comprends pourquoi j’y ai été invité de la sorte. Pourtant, il y a une sorte de dimension mystique qui subsiste et tout à ma quête personnelle, je suis passé à coté de l’essentiel. La raison profonde de ma présence dans cette ville. Avant d’aller plus loin, il me faut rappeler deux signes de début janvier. Deux signes qui sont arrivés avant la semaine de la parasha Bo (12 janvier), celle de la sortie d’Egypte et la suivante, celle de la traversée de la mer. Le premier concerne un souvenir FB du 7 janvier qui fait référence à l’amusante anecdote de la perte d’un container rempli de jouets Kinder:

Le contenu d’un container s’est échoué sur la plage

Les oeufs Kinder me font penser à une foule qui arrive au bord de la mer. Nombreux sont ceux qui sont jaunes.

Le deuxième est l’annonce de l’ouverture d’un restaurant juste à coté de chez moi, dans la rue du gué. Eh oui, la rue du gué. C’est assez parlant.

Un participant à une émission de cuisine sur M6 ouvre un restaurant à Rueil. Son nom: Ochre. Son logo: une vague jaune. Ces deux signes, surgissant au même moment, me font penser au moment le plus spectaculaire de la Révélation: le passage de la mer par les fils d’Israël. Souvenez-vous, durant la parasha Bo, mon oeil s’est enflammé. 

Si le moment de l’ouverture de la mer m’a toujours paru le point d’orgue de la Révélation, j’ai toujours essayé de le rationaliser. Selon certaines théories, l’action aurait eu lieu dans un endroit avec un haut-fond et le retrait des eaux pourrait s’expliquer par une conjonction de marées et de vents. J’adhérais donc à cette idée d’une mer plate et non à l’image impressionnante rendue par le film “Les dix commandements”.
Ce n’est qu’à la fin de mon séjour en Bretagne que j’ai pris un peu de recul et que je suis parvenu à reconstituer le puzzle. J’ai alors ouvert Exode et le Coran à la bonne page:

Ex 14.22 Les enfants d’Israël entrèrent au milieu de la mer à sec, et les eaux formaient comme un mur à leur droite et à leur gauche.

Coran 26.63 Alors Nous révélâmes à Moïse : « Frappe la mer de ton bâton ». Elle se fendit alors, et chaque versant fut comme une énorme montagne (kal tawd: parfois traduit rempart).

Le nom de la ville, à laquelle est liée un grand lac. Cette pierre tombale en forme de vague qui répond à la vague jaune. Ces taches de couleurs au bord de la mer. Ces murs de la maison gorgés d’eau. Et enfin cette projection lumineuse sur le mur. Tout fait sens et se répond. Nous étions encore au bord de la plage au début de janvier. La mer s’est ouverte. A présent nous marchons au fond de la mer. Nous laissons la terre d’Egypte derrière sans aucun retour en arrière possible. Il me fallait admettre qu’il y avait donc bien deux murs d’eau gigantesques 3200 ans plus tôt.

Nous sommes actuellement, alors que la période du carême chrétien débute, en marche entre les murs d’eau.

Bientôt la mer va se refermer sur l’armée ennemie. Mais ne me demandez pas comment.

Route du retour: je m’arrête à Alençon alors que l’actualité met cette ville en lumière. Un cours d’eau, la Briante, passe sous la mosquée de la ville accolée à ce qui fut autrefois le mur d’enceinte de la ville.