jeudi 28 mars 2024

Le Baal des quenelles

Dernières modifications le 30 mars 2023·15 minutes de lecture

Genèse 20.3
Alors Dieu apparut en songe à Abimélec pendant la nuit, et lui dit:
Voici, tu vas mourir à cause de la femme que tu as enlevée, car elle a un mari.

Quoi de mieux qu’une prophétie pour débuter cet article? Si Abimélec (vers -1900), le contemporain d’Abraham, paix sur lui, était un brave homme et a obéi à l’ordre de Dieu, il ne pouvait se rendre compte qu’en réalité ce songe était une prophétie destinée à parcourir le temps. Une petite histoire apparemment anodine dans ce Livre immense qu’est la Bible, mais qui va prendre tout son sens quelques siècles plus tard. En effet, nous sommes dans le livre des Juges (vers -1100), Abimélec (le père du roi) est le nom d’un homme qui convoite le trône d’Israël. Il n’est qu’un fils parmi la multitude que compte Jérubaal. Pour parvenir à ses fins, il va donc exécuter ses 70 demi-frères. Quelle charmante histoire. Il aurait du lire le Livre de la Genèse, et comprendre que convoiter la femme, c’est à dire Israël, allait le conduire à la mort. Avant celle-ci, il va entrer en guerre avec les habitants de Sichem. Ce récit s’avère bien plus instructif qu’il n’y parait.
Tout d’abord petit rappel: le nombre 70 fait référence aux 70 sages qui accompagnent Moïse, paix sur lui, lors de sa deuxième station sur le mont Sinaï. Ce sont les 70 sages d’Israël. Nous retrouvons ce nombre dans les 70 disciples du messie. Tandis que les apôtres sont au nombre des tribus. Abimélec est donc bien le pire ennemi du peuple élu. Sa façon d’accéder au pouvoir, et la temporalité dans la révélation, m’a fait d’ailleurs penser à Muʿāwiya. Ensuite revenons à cette fameuse prophétie. Et surtout à sa fin “car elle a un mari”. En hébreu il est écrit וְהִוא בְּעֻלַת בָּעַל véhiva (et elle qui est) bé’oulat ba’al que l’on pourrait interpréter comme alliée de son allié car les deux mots sont construits sur la racine ba’al ( בָּעַל bet ayn lamed: b ‘a l) qui prend ici le sens de l’alliance entre époux. Elle est l’épouse de son époux. Allah aurait très bien pu utiliser une autre tournure de phrase pour signifier que la femme n’était plus légitime parce que mariée. Si cette tournure est là, en conclusion de cette importante prophétie, c’est qu’elle en est la clef. Les amateurs d’hébreu auront reconnu ici le mot habituellement écrit Baal en français, le fameux dieu dont les judéens dénoncent le culte de la part de leurs coreligionnaires de Samarie. C’est ainsi que le mot Baal revient un grand nombre de fois dans les écritures à partir de la scission du royaume. Encore une fois, nous pouvons être tenté de rejeter en bloc ces accusations. Mais il est beaucoup plus intelligent de s’intéresser au mot Baal et de comprendre que ce mot peut signifier tout autre chose. Citons le verset suivant:

Juges 8.33 Après la mort de Gédéon, les Israélites se prostituèrent de nouveau au culte des Bealim, et adoptèrent pour dieu Baal-Berith,

Pour bien comprendre ce passage, il s’agit d’écrits de judéens qui dénoncent leurs coreligionnaires. Juda contre Israël. “Judaïsme” contre “israélisme”. Une querelle interne aux bani Israïl. Nous découvrons que ba’al peut se mettre au pluriel: be’alim. Retournons vers ceci:

Gen 14.13 Les fuyards vinrent en apporter la nouvelle à Abram l’Hébreu. Celui-ci demeurait dans les plaines de Mamré l’Amorréen, frère d’Echkol et d’Aner, lesquels étaient les alliés d’Abram (véhem ba’ali bérith Abram).

Cette fois, nous avons le mot ba’ali formé sur la base de ba’al. Aucune accusation de soumission à un baal. Bérith est un synonyme de kérith, que nous avons vu dans un précédent article sur une prophétie liée à Élie, et qui signifie alliance. Mais à ce moment du récit, Abraham n’est pas dans l’Alliance avec le Créateur. La forme est similaire à celle trouvée au début de cet article. Le passage se traduit donc mot à mot par “et ils (sont) alliés dans l’alliance d’Abraham”.
Revenons sur le verset 8.33 de Juges. La grave accusation de trahison de l’Alliance est décrite en ces termes: “et adoptèrent pour dieu Baal-Berith”. En hébreu, nous lisons: ba’al bérith leElohim. Ainsi nous pouvons traduire par allié dans l’Alliance avec le Seigneur.
Poursuivons avec la lecture de Juges. Au chapitre 9, dans les versets 3, 6 & 7, nous trouvons l’expression: ba’ali Sichem: les habitants de Sichem. Ba’al signifierait donc aussi cité (dans le sens de Château-… : voir note). Pour achever de nous en convaincre, nous trouvons le nom de ville de Baal-Yehuwdah en 2 Samuel 6.2 qui est située, elle, en Juda. Il est impossible que Baal fasse ici référence à une fausse divinité adorée dans la ville puisque Yehuwdah, traduit par Juda, est construit lui-même sur l’assemblage des mots yadah et Yah: louanger/glorifier l’Éternel. Comme expliqué en

Gen 29.35: Elle devint encore enceinte, et enfanta un fils, et elle dit : Cette fois, je louerai (Yadah) l’Eternel. C’est pourquoi elle lui donna le nom de Juda (Yehuwdah). Et elle cessa d’enfanter.

Ainsi ba’ali désignerait aussi ceux qui habitent dans la cité et donc be’alim pourrait aussi signifier cités. D’ailleurs, dans de nombreux versets ba’ali est traduit correctement par habitants ou citoyens.

Juges 9:4 Ils lui donnèrent soixante-dix sicles d’argent, qu’ils enlevèrent “de la maison de Baal-Berith”. Abimélec s’en servit pour acheter des misérables et des turbulents, qui allèrent après lui.

mibeth ba’al bérith: traduit par “du Temple de Baal-Bérith” qui serait une divinité faisant alliance. Nous pouvons lire de deux façons en dehors de la traduction habituelle: de la maison (temple dans ce contexte) de la cité de l’Alliance (sous-entendu avec Allah), ou bien du Temple de l’Allié dans l’Alliance. Vraisemblablement, l’argent est pris sur le trésor du Temple. Ce qu’il est essentiel de comprendre dans cet article, c’est que même si la rédaction de ce texte (Juges) est bien postérieure aux faits, le récit rapporté se situe avant la période des Rois, donc bien avant la partition du royaume en Juda et Israël. Il n’y a donc, à ce moment là de l’histoire des enfants d’Israël, qu’un seul Temple qui soit la maison de la présence réelle de l’Éternel (le lieu des sacrifices). Il n’y a qu’une seule Arche d’Alliance. La rivalité nord-sud serait un anachronisme. Comme certains mots ne peuvent pas être modifiés, il faut donc lire des divinités là où il est question de l’Éternel en sa demeure.
Ensuite vient le passage où Jotham, du haut du mont Garizim, s’adresse aux habitants de Sichem en une parabole destinée à leur faire comprendre qu’ils ont laissé un homme mauvais régner sur eux:

9.6 Tous les habitants de Sichem et toute la maison de Millo se rassemblèrent; ils vinrent, et proclamèrent roi Abimélec, près du chêne planté dans Sichem. 9.7 Jotham en fut informé. Il alla se placer sur le sommet de la montagne de Garizim, et voici ce qu’il leur cria à haute voix: Écoutez-moi, habitants de Sichem, et que Dieu vous écoute! 8 Les arbres partirent pour aller oindre un roi et le mettre à leur tête. Ils dirent à l’olivier : Règne sur nous. 9 Mais l’olivier leur répondit : Renoncerais-je à mon huile, qui m’assure les hommages de Dieu et des hommes, pour aller planer sur les arbres ? 10 Et les arbres dirent au figuier : Viens, toi, Règne sur nous. 11 Mais le figuier leur répondit : Renoncerais-je à ma douceur et à mon excellent fruit, pour aller planer sur les arbres ? 12 Et les arbres dirent à la vigne : Viens, toi, Règne sur nous. 13 Mais la vigne leur répondit : Renoncerais-je à mon vin, qui réjouit Dieu et les hommes, pour aller planer sur les arbres ? 14 Alors tous les arbres dirent au buisson d’épines : Viens, toi, règne sur nous. 15 Et le buisson d’épines répondit aux arbres : Si c’est de bonne foi que vous voulez m’oindre pour votre roi, venez, réfugiez-vous sous mon ombrage; sinon, un feu sortira du buisson d’épines, et dévorera les cèdres du Liban.

Les trois arbres bénéfiques aux habitants de la cité ont refusé la royauté. C’est le buisson d’épine qui accepte. Ce buisson symbolise le Créateur. Cela signifie qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Si le roi choisi est sous l’autorité divine, alors le peuple est sauf. Dans le cas contraire le peuple s’expose au courroux divin. Cette symbolique du buisson n’est pas sans rappeler le buisson ardent de l’Exode. Dans la Bible, la vigne symbolise Israël en lui-même. Il existe des paraboles dans les Évangiles sur ce thème (Parabole_des_vignerons_infidèles). Le figuier, quant à lui, serait le Temple (Miracle_du_figuier_stérile)
Poursuivons:

17 Car mon père a combattu pour vous, il a exposé sa vie, et il vous a délivrés de la main de Madian;

Dans le chapitre 8 de Juges, Madian est omniprésent. Madian serait l’ancien nom de Sichem. Lorsque la cité est devenue sainte, lorsque l’Alliance a été passée, elle aurait changé de nom. Mais elle n’a pas été vidée de ses habitants. Il aurait donc fallu effacer son souvenir dans la tête des gens. Le récit se poursuit sur le meurtre de tous les habitants de la ville qui se sont enfui alentour. Il ne reste plus qu’un groupe encore vivant:

46 A cette nouvelle, tous les habitants de la tour de Sichem se rendirent dans la forteresse de la maison du dieu Berith.

ba’ali migdal Shekhem: traduit par les habitants de la tour (lieu en hauteur) de Sichem. Tsérikha beth el bérith: traduit par la forteresse du dieu Bérith (le mot baal a disparu au profit de el qui est très rarement utilisé pour autre chose que l’Unique). Tsérikha désigne clairement une construction matérielle élevée. Ainsi migdal, formé sur la racine gadol, ne peut donc pas signifier une tour, mais bien une partie haute ou grande (en valeur) de la ville (Cohen gadol: grands-prêtres). Je serais tenté de traduire par:

46 “A cette nouvelle, tous les habitants de l’enceinte sacrée (le Parvis) de Sichem se réfugièrent dans le haut-lieu du Temple du Dieu de l’Alliance.”

Vraisemblablement, il s’agit là des grands-prêtres et de leurs familles. 1000 personnes vont périr dans l’incendie provoqué par Abimélec. La prophétie de Jotham s’accomplit. Puis une femme lance une meule depuis la place forte de Thébets. Il meurt. La prophétie ancienne s’accomplit elle aussi.
A présent, vous pouvez relire la prophétie et comprendre comment elle s’est accomplie et aussi qu’elle est toujours valide:

Genèse 20.3
Alors Dieu apparut en songe à Abimélec pendant la nuit, et lui dit:
Voici, tu vas mourir à cause de la Femme que tu as enlevée, car elle est Alliée à son Allié.

 
Paix sur vous.
 

Notes:

La vigne et le Coran: à présent, il nous faut faire un bond dans la révélation et plonger dans le Coran. Nous savons qu’entre la Torah et le Coran, le vin a été interdit aux croyants afin de parfaire leur droiture. La vigne n’a donc plus droit de citer. . Le Coran ne s’adresse pas à Israël en tant qu’acteur destinataire, mais en tant que rappel en vue de la conversion à la nouvelle Loi. Il ne reste plus donc que l’olivier et le figuier qui sont bénéfiques. Nous les retrouvons ici, sourate 95:

1 Par le figuier et l’olivier!
2
Et par le Mont Sīnīn!
3
Et par cette Cité sûre!

Simplement, clairement, cette courte sourate viendrait établir le lien entre le figuier et l’olivier qui sont les arbres bénéfiques de la région, le mont Sinaï ( at turi sinin) qui est le mont Garizim, et la cité sûre (al balad al amin) qui est Sichem actuellement Naplouse. Cette explication viendrait mettre un terme définitif à l’exégèse classique qui consiste à affirmer que les trois versets désignent les trois étapes importantes de la Révélation où le mont des Oliviers symbolisant la période messianique aurait été placé en premier à la place du mont Sinaï, la Cité sûre étant la Mecque.

Baal

Parce que je suis taquin, voici la liste de tous les noms propres locatifs liés au “dieu Baal” que l’on peut trouver dans la Bible. Une véritable rébellion contre l’Alliance, si justement dénoncée par la tribu de Juda, seule garante de la Vérité au sein d’Israël. Baal-Berith
Baal-Hatsor
Baal-Hermon
Baal-Gad
Baal-Hamon
Baal-Meon
Baal-Peratsim
Baal-Schalischa
Baal-Thamar
Baal-Tsephon
Ce polythéisme locatif me donne la nausée.
Plus sérieusement, le mot baal n’a aucune connotation religieuse. C’est un synonyme de adoni qui signifie seigneur. Il s’agit d’une marque de respect pour un personnage important. Les noms de villes composés avec le mot baal indiquent qu’elles ont été fondées par une personne par opposition à une description purement géographique. En France, par exemple, de nombreuses villes commencent par le mot château (Château-Chinon etc.. ) indiquant une autorité seigneuriale. Il est possible que certaines villes aient pu rendre un culte à la personne fondatrice. Mais dans le cas de Baal-bérith, il serait étonnant que le dieu local de Sichem soit nommé “Alliance” à l’endroit même, où, dans la Bible, le peuple d’Israël a prononcé la bénédiction sur une montagne et la malédiction sur l’autre, ce qui ressemble exactement au passage de l’Alliance avec Dieu, le vrai Seigneur. Si l’on devait traduire littéralement le mot ba’al en tant que nom commun, nous pourrions utiliser le terme seigneurie.
La seule divinité qui ne souffre pas d’ambiguïté dans la Bible est Baal-Zébub. En effet, l’expression ba’al zébub aloni ekron revient 4 fois telle quelle. Elle signifie seigneur ou maître des princes, dieu d’Ekron. Cela ressemble à Satan lui-même, le prince du monde. Ce n’est pas un hasard si nous retrouvons Baal-Zébub dans les Évangiles sous le nom de Bélzébuth. En ce cas là, la ville d’Ekron, qui comme on le constate n’est pas formée d’un nom composé avec un nom de divinité, était clairement reconnue comme adoratrice de cette entité. Ekron dérive du mot émigration. Nous pourrions en déduire que Satan s’est introduit dans la religion des bani Israïl alors qu’ils avaient émigré, c’est à dire lorsqu’ils furent en exil à Babylone. C’est d’ailleurs, au moment où le souverain de Samarie émet la volonté de se tourner vers un oracle de Baal-Zébub que Élie apparaît en 2Rois. C’est donc bien contre les adorateurs de cette divinité que ce dernier va lutter. L’un des plus grands prophètes fait donc face à des disciples qui se revendiquent frontalement de l’adversaire. Ce ne sont donc pas des adeptes du dualisme comme j’avais pu l’écrire initialement en 2015 puisqu’ils n’ont pas la volonté de corrompre le monothéisme de l’intérieur.