mercredi 24 avril 2024

Retrouvé

14 mai 2013, 12:14

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours senti sa présence. Enfant, muré dans le silence, voulant expier une faute que je n’avais pas commise, j’avais décidé qu’il n’existerait pas. C’était ainsi. Avec ma mère, il n’y avait pas de place pour lui. Elle avait choisi, pour mon plus grand bien. Mon seul refuge était l’école. Les bonnes notes pleuvaient. Des chiffres pêle-mêle virevoltaient autour de moi. Mes fées. Une calligraphie limitée, certes, mais qui semblait remplir tout l’espace. L’espace d’un myope. Délaissant les bagarres, j’admirais les cheveux longs et noirs avec de grands yeux dessous. Puis vint le collège. Je regardais toujours béatement les cheveux noirs mais les yeux en dessous se détournaient. Les chiffres se sont fait plus rares aussi. Mes fées m’ont lâché.

Pas les moqueries.

Alors j’ai continué seul. La télévision, ça ne répond pas, même au fond de la nuit. Peut-être que si je n’use pas trop ma langue, je pourrais m’en servir plus longtemps. Personne n’aime les rides. Avec le recul, on ne peut qu’admirer la ferme détermination qui m’a poussé à sauvegarder mon capital visage pendant toutes ces années. Ça ne coûte pas un sou. C’est à ce moment là que j’ai commencé à me distinguer: Tous les ans, au début de l’été, j’étais le seul qui était content dans le train qui quittait la gare de Lyon. La « colo ».

La première année au lycée, j’ai pas voulu déranger, alors ils m’ont mis dans un coin, La techno c’est très bien pour un garçon comme ça. Avec des coins on remplit bien des classes. Et les profs se vident. Je n’avais plus le choix, il fallait que je parle. C’est sorti en désordre. Ça cadrait bien avec l’ambiance. Et puis un jour, un prof a dit non. Il m’a sorti du coin. Math sup, Math spé. Et je m’accroche. Les chiffres se sont mis à accélérer, à accélérer. J’ai eu le tournis. Alors comme ça je pouvais devenir l’élite de la France? Se faire tout seul, voilà l’immense fierté.

J’ai donné mon corps à la première qui passait. Il fallait bien. Je me suis autorisé à tomber amoureux d’une autre. J’ai tout cassé. Comme je voulais pas tout perturber, j’ai continué ma vie sentimentale dans la même séquence. Ou bien peut-être que je voulais m’épargner des lignes le jour où j’écrirais ce texte. Gérer son énergie jusque dans les moindres détails, tout un art. Je suppose qu’il était là tout ce temps. Il veillait sur moi. C’est sûrement grâce à lui que j’ai partagé ces histoires passionnantes avec toutes ces femmes. J’aurais pu le remercier, prendre conscience qu’il était là. Mais je n’en ai rien fait, tel un ingrat.

Il m’a aussi aidé à rencontrer des gens formidables, à découvrir, à partager. J’ai tout pris et je n’ai rien donné. Je me suis mis à créer. C’est à ce moment là que j’ai du ressentir sa présence pour la première fois. Les personnes autour de moi, se sont mis à parler de lui avec insistance. Mais je ne les croyais qu’à moitié. Et puis on ne croit que ce que l’on voit. J’ai tout consumé. Je me suis perdu. J’ai tout retrouvé. J’ai tout laissé tomber. Ivresse d’une vie dévorante. Parfois sans limite.

Un jour, par hasard, sur une terre brûlante, je me suis mis à danser. J’ai senti sa présence physiquement. J’ai mis des semaines avant de me reposer. Le corps vidé. Je me suis relevé. Revidé. Les regards que je croisais dans ces moments hors du temps. Cette lueur. Il était là. Plus de doutes. Ce n’était qu’une question de temps avant que je n’admette.

Au moment où les hommes se sont levé sur la terre, je me suis tué une dernière fois. Il fallait que je sois prêt à l’accueillir. Je me suis « indigné » et puis j’ai cherché. Et puis je l’ai trouvé un jour, il n’y a pas si longtemps. Laissez-moi vous raconter. Un ami était là, à coté de moi. Un ami qui me ressemble tant. Son parcours. Ses amours. Ses égarements. Il me regardait et il s’est mis à pleurer. Je l’avais fui tout ce temps Celui qui m’avait tout donné, tout, et que je n’avais jamais remercié. Ces larmes m’ont guidé vers lui.

En priant Allah, avec moi-même, j’étais réconcilié,