jeudi 25 avril 2024

Even can wait

Dernières modifications le 24 mars 2014·9 minutes de lecture

Le poireau n’était pas passé. Une recette un peu trop avant-gardiste à son goût. Force est de reconnaitre qu’il m’a fallu un certain temps d’adaptation avant de m’accepter et d’accepter ma mission tout en considérant que je vivais la chose de l’intérieur, abreuvé de signes. Même si elle y a été préparée, le choc a été beaucoup trop violent pour elle. D’autant plus, rappelons-nous, qu’elle est une esclave en fuite, une musulmane qui s’est libéré des contraintes.

Il était évident, considérant ma vie ces derniers mois, que tout cela ne serait pas facile. Faire revenir une musulmane française dans la soumission parait être une tâche insurmontable. Constatant cela, je réalise qu’en réalité, je suis totalement bloqué. D’une part, Allah guide qui Il veut et d’autre part il est totalement déconseillé de se marier avec une personne égarée. Et quand bien même cela ne le serait pas, ma rigidité dans l’orthodoxie sur les questions de fond vient s’immiscer immanquablement dans le processus, même si, bien sur, il y a eu des entorses aux règles établies dans la forme. C’était écrit ainsi.

Le poireau était un signe bien trop évident pour être balayé d’un revers de main. Constatant que la situation tournait en rond et que cela nous affectait, il m’apparaissait évident qu’il me fallait m’en aller. Seul le temps pouvait résoudre le conflit. Certes, je suis parti un peu précipitamment, mais il est des moments où l’émotion nous submerge. Qui pourrait me jeter la pierre?

Me voilà donc reparti dans l’autre sens. La nuit vient de tomber et la fatigue va me gagner d’ici quelques heures. Je n’ai d’autre choix que de m’arrêter régulièrement et de dormir sur les aires de repos. Après avoir passé la nuit sur la route, voici qu’il est bientôt 5h du matin, j’arrive en vue de la région parisienne. Il me reste environ une heure de route, je serai sans problème à l’heure pour la salat de fajr à Nanterre. Je n’aurai alors plus qu’à rentrer tranquillement chez moi vers les 6h30. Je ressens une présence bienveillante qui m’accompagne dans les dernières heures de la nuit. Mon intuition me conseille de me rendre à Meaux. Je réalise alors que si je fais une telle chose, il y a de fortes chances que je me retrouve en plein milieu des embouteillages de la A86. La présence insiste et je cède. La mosquée n’est pas facile à trouver, elle est aménagée dans un hangar. Vous savez ce genre de mosquée des cités. Si je n’avais pas suivi un frère, je ne l’aurais jamais trouvé. J’ai une bonne demi-heure d’avance et me voilà juste derrière l’imam. Les fidèles arrivent et je constate qu’il y a énormément de monde. Deuxième récitation, je ressens une gêne dans la gorge, j’ai comme une envie de tousser. Non! me dis-je, pas ça! Dans la compréhension de ce qui se passe dans la salat, l’envie de tousser me terrorise. Mais dans le même temps, j’ai le nez qui me picote. Bon ou mauvais? Il faut choisir. Les secondes passent, l’imam poursuit sa récitation tandis que j’ai de plus en plus de mal à contenir gorge et nez. Cela me pique fortement. Quelque chose que je ne contrôlerai pas va se produire certainement et je ne saurai sa nature qu’au dernier moment. C’est alors qu’au moment où je pense que je vais émettre un son bruyant par mon nez ou ma bouche, mon œil se met à pleurer. Ce n’est pas la première fois que je pleure ainsi dans la salat. J’ai bien compris qu’en vérité, ce n’est pas moi qui pleure, je ne fais que transmettre. Si je ne comprends pas la récitation, ce n’est évidemment pas le cas de tout le monde et j’entends des réactions parmi les fidèles. Ils sont touchés eux aussi. Dans ce genre de situation, je ne réalise pas forcément la portée de ce que je vis au moment où je le vis. Ce n’est qu’une fois revenu dans la voiture, quand tout est retombé, quand je suis loin, que l’on ne peut plus faire revivre l’instant, que je réalise pleinement le miracle qui vient de se produire.

Me voilà bientôt dans les embouteillages. Je me dis en moi-même: « Je dois beaucoup t’aimer pour accepter de me retrouver sur la A86 le matin alors que je n’y étais pas obligé. » Je devrais être en colère de cette situation malheureuse où Il a joué avec mes sentiments. Je suis fatigué, j’ai roulé toute la nuit et pourtant j’ai consenti à me rendre à Meaux. 12 heures sur la route, deux heures d’embouteillages, le coeur brisé de déception, je m’interdis de me plaindre. Pour ces quelques secondes d’éternité que certains échangeraient pour tout l’or du monde.

Me voici enfin en vue de l’arrivée. Pour me changer du Coran, dans les dernières minutes de mon voyage, je cherche parmi les vidéos de mon téléphone et lance un épisode au hasard de la série « L’origine du christianisme ». La discussion tourne autour du livre des actes des Apôtres et de la vie des premières communautés chrétiennes. Il est question des tensions entre les groupes hellénistes et hébraïques. Le groupe des hellénistes reproche notamment le sort qui est réservé à leurs veuves au sein de la communauté. (N’ayant pas le droit de se remarier, celle-ci doivent se consacrer exclusivement à Dieu, les veuves hellénistes sont les personnes les moins bien considérées par les gardiens de la foi Actes, 6, 1-6) C’est à la suite de cet épisode qu’apparait Etienne, le premier martyr chrétien. Étienne est un prénom issu de Stéphane. Au moment où le théologien parle des veuves, je suis sous un tunnel et une grosse goutte d’eau tombe sur mon pare-brise. Je comprends instantanément qu’il se passe quelque chose. Plusieurs centaines de mètres plus loin, voici le feu rouge qui marque la fin de mon voyage. Dans quelques instants, je vais rentrer dans ma ville. Enfin. Devant moi, dans une autre voie, il y a un camion. Un camion de déménagement. Le nom de l’entreprise est son prénom. Oui, son prénom à elle. Du moins son prénom « soufi », son prénom de coeur, pas son prénom de naissance qui témoigne de ses origines. Le camion démarre et je le suis des yeux. Ce prénom sur un camion de déménagement ne laisse place à aucune ambiguïté. Je le vois emprunter la montée de la Jonchère lorsque tout à coup un autre camion vient se placer dans mon champ de vision. Tout d’abord, je maugrée contre lui, car je voudrais bien savoir où l’autre va: comme si peut-être il y avait autre chose à comprendre. Et puis la réponse tombe. Sur celui-ci il est écrit en gros: Even. J’interprète cela comme « heaven » car les prononciations sont similaires. Je me dis alors: « Elle doit déménager et alors ce sera le paradis. »

Toutes les mauvaises pensées que j’avais eu durant tout le voyage disparaissent en un instant et voilà que j’arrive de bonne humeur chez moi.

Mais ce n’est pas fini.

Quelques jours plus tard, après fajr, alors que le tumulte des fidèles s’est estompé et que nous ne sommes plus qu’une poignée dans le silence de la nuit, je rentre en méditation. Je comprends alors que mon interprétation n’est pas la bonne. Me voilà décontenancé. Doit-elle partir de ma vie pour que j’accède au paradis?

Le lendemain, même endroit, même moment, me revoilà à méditer. Cette fois, je comprends: ce n’est pas elle qui doit s’en aller mais son deuxième prénom. En réalité, c’est tout ce personnage lié au soufisme, à sa vie de française, à tout ce qui la lie à cette vie d’ici-bas qui doit disparaitre pour ne laisser que la personne qu’elle est réellement au fond et dont la destinée a été décidée par Allah. Ce n’est qu’à cette condition que le paradis pourra être envisagé. A ce moment là, un bruit formidable vient déchirer le silence. Abasourdi et le coeur battant, je mets plusieurs secondes avant de me retourner et de comprendre l’origine du bruit: un frère, juste derrière moi, s’est saisi d’un panneau de bois pour protéger sa salat et l’a laissé échapper des mains. En tombant violemment sur le parquet en bois, le bruit émis a remplis tout l’espace de telle sorte qu’il n’y ait aucun doute sur la réponse. Lorsqu’il y a si peu de monde, il n’y a évidemment pas besoin de placer une protection devant soi. Les Signes ont toujours une explication totalement rationnelle.

Enfin, j’ai fini par taper even sur internet et j’ai pu achever la compréhension de ce Signe.

Even provient de l’hébreu et signifie pierre. C’est aussi mon deuxième prénom français. Tandis que Saphwan (Safwan) signifie rocher. En terme messianique, la pierre est le symbole de la fondation du renouveau.

Lorsque son personnage « égaré » disparaitra pour laisser place à son vrai elle, et donc, qu’elle suivra pleinement son destin, alors nous serons en mesure de nous unir et cette union constituera la pierre sur laquelle se bâtira le futur.

Pour l’instant, tout ceci est loin d’être d’actualité. Des choses doivent être accomplies avant cela.

A mon grand regret.

Notes

« En ces jours-là, comme le nombre des disciples augmentait et les Hellénistes se mirent à récriminer contre les Hébreux parce que leurs veuves étaient oubliées dans le service quotidien. Les douze convoquèrent alors l’assemblée plénière des disciples et dirent : « Il ne convient pas que nous délaissions la parole de Dieu pour le service des tables. Cherchez plutôt parmi vous, frères, sept hommes de bonne réputation, remplis d’Esprit et de sagesse, et nous les chargerons de cette fonction. Quant à nous, nous continuerons à assurer la prière et le service de la Parole. » Cette proposition fut agréée par toute l’assemblée : on choisit Étienne, un homme plein de foi et d’Esprit Saint, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, prosélyte d’Antioche ; on les présenta aux apôtres, on pria et on leur imposa les mains. »

— Actes, 6, 1-6

http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne_%28martyr%29

Even:

אָבֶן

La Pierre en hébreu se dit Eben, Aben ou encore Even, selon la ponctuation massorétique.

Elle est composée de la lettre Alef ( א ), Beit ( ב ), Noun ( ן ).

Le terme « Pierre » apparait en hébreu dans 239 versets et en araméen dans 8 autres

dans la Torah.

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