Morceaux, choisis

Cet article a été rédigé dans la soirée du 13 novembre 2025. Il est dédié à toutes les victimes directes et indirectes de la barbarie.
Cependant, ne perdons pas de vue que la barbarie peut aussi s’immiscer sans fracas, sans dates commémoratives, sans tombes à remplir.

Mt 10.28
Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme;
craignez plutôt celui qui peut faire périr l’âme et le corps dans la géhenne.

 

Voici deux morceaux choisis dans le Coran qui semblent connectés entre eux par une thématique commune selon la traduction usuelle sans modification:

Sourate an-nahl 16
56 Et ils assignent une partie [des biens] que Nous leur avons attribués à [des idoles] qu’ils ne connaissent pas. Par Allah ! Vous serez certes interrogés sur ce que vous inventiez.
57 Et ils assignent à Allah des filles. Gloire et pureté à Lui! Et à eux-mêmes, cependant, (ils assignent) ce qu’ils désirent (des fils).
58 Et lorsqu’on annonce à l’un d’eux une fille, son visage s’assombrit et une rage profonde [l’envahit].
59 Il se cache des gens, à cause du malheur qu’on lui a annoncé. Doit-il la garder malgré la honte ou l’enfouira-t-il dans la terre? Combien est mauvais leur jugement!
Sourate az-zukhruf 43

15 Et ils Lui firent de Ses serviteurs une partie [de Lui-Même]. L’homme est vraiment un ingrat déclaré!

16 Ou bien Se serait-Il attribué des filles parmi ce qu’Il crée et accordé à vous par préférence des fils?

17 Or, quand on annonce à l’un d’eux (la naissance) d’une semblable de ce qu’il attribue au Tout Miséricordieux, son visage s’assombrit d’un chagrin profond.

18 Quoi ! Cet être (la fille) élevé au milieu des parures et qui, dans la dispute, est incapable de se défendre par une argumentation claire et convaincante

19 Et ils firent des Anges qui sont les serviteurs du Tout Miséricordieux des [êtres] féminins ! Etaient-ils témoins de leur création? Leur témoignage sera alors inscrit; et ils seront interrogés.

20 Et ils dirent: « Si le Tout Miséricordieux avait voulu, nous ne les aurions pas adorés. » Ils n’en ont aucune connaissance; ils ne font que se livrer à des conjectures.

Une analyse rapide met en lumière la ressemblance de deux paires de versets qui composent le coeur des deux passages: 43.16 évoque l’opposition entre les filles et les garçons, tandis que 16.57 semble reprendre cette opposition sans toutefois que le mot garçon apparaisse dans le texte. Premier indice. Quant aux versets 16.58 et 43.17 leur structure est exactement la même, seul change l’objet de la bonne nouvelle. Dans un cas, ce sont les filles, et dans l’autre ce qui semblerait être attribué à Dieu. La connexion semble logique et dans le prolongement du verset précédent.

L’enseignement central de cette assemblage semble être la dénonciation des pratiques à l’égard des filles au temps pré-islamique. Sa connaissance est très répandu dans le monde musulman. Il est un pilier de la société car les relations hommes-femmes sont les bases de la civilisation. De nombreux récits rapportent que les filles étaient condamnées dès leur naissance. Aussi, cette pratique a été éradiquée. Ce n’est pas le cas partout dans le monde, notamment en Asie. Mais ce n’est pas le sujet ici. La raison de ces pratiques serait religieuse. Les filles seraient attribuées à Dieu et les garçons aux hommes. Le rapport de cause à effet interpelle, mais l’interprétation du Coran est parfois un exercice périlleux. Il faut alors considérer le texte dans sa globalité et ne pas s’attarder sur certaines tournures de phrases. L’arabe coranique escamote certains mots dans la phrase qui sont pourtant essentiel au sens dans la traduction. Ces mots sont alors rajoutés entre parenthèse. C’est le cas en de nombreux endroits ici. L’expérience m’a montré qu’un excès de mots ajoutés trahie une confusion de sens. Enfin les versets 19 et 20 évoquent un culte d’anges féminins.
Toujours est-il que le musulman moderne ne se sent pas concerné. Les croyances et les pratiques induites décrites ne font pas parti de son quotidien.

Sur la forme enfin, les deux séquences s’inscrivent dans deux séquences plus grandes, où sont formulées beaucoup de questions rhétoriques divines. Allah fait parler des individus génériques pour illustrer son propos. La traduction emploie des « Et ils firent/dirent/etc » pour traduire les verbes à la 3ème personne du pluriel de l’arabe. Cependant un verset échappe à cette forme: le verset 43.18 serait le propos d’un homme générique qui justifierai son attitude à l’égard des femmes par leur superficialité et leur frivolité (ornements et faiblesse argumentative). De plus, le mot introductif est sans équivoque: la phrase est interrogative alors que toutes les phrases génériques sont des affirmatives.

Autant être direct: étant donné le contexte, je vois mal le Créateur offrir une fenêtre d’expression sarcastique à ses détracteurs. Nous allons entrer dans la séquence par le biais de ce verset. Cela tombe bien car il contient un bijou! Nous voilà dans le prolongement de l’article précédent. Il ne serait donc pas question des filles portant des bijoux, mais l’évocation d’une métaphore. Ainsi la question rhétorique place deux camps en opposition. A présent qu’une brèche est ouverte, dirigeons vers le début du passage:

15 Et ils Lui firent de Ses serviteurs une partie [de Lui-Même].
Wa Ja`alū Lahu Min `Ibādihi Juz’āan

Il y a un mouvement qui va des humains vers le Créateur. Le mot partie, dans ce contexte, nous renvoie au principe eucharistique. Ce dont il est question ici est la part d’Esprit reçu par les humains. Mais si il y a reproche, c’est qu’il y a abus. Nous pouvons donc en déduire que la dénonciation porte sur ceux qui s’attribuent faussement une part d’Esprit ici-bas alors qu’ils n’en sont que les hôtes temporaires (on peut aussi évoquer le fait de confondre âme et esprit). De ce principe découle logiquement le dogme d’infaillibilité que nous avions dénoncé il y a peu de temps.  Poursuivons:

16 Ou bien Se serait-Il attribué des filles parmi ce qu’Il crée et accordé à vous par préférence des fils ?

Le début est correct. Mais la deuxième partie dit  littéralement: Il vous a choisis parmi les fils? Il y a bien une opposition ici, mais pas selon une division entre le ciel et la terre car en réalité, quelque chose ne fonctionne pas. Il faut bien faire attention aux verbes employés. Il est dit que les filles sont la propriété de Dieu, et que les garçons sont choisis. Alors bien sur cela est faux, c’est une question rhétorique dénonçant l’absurde. Pour en comprendre le sens, il faut se tourner vers l’autre séquence qui dit littéralement:

57 Et ils assignent à Allah des filles. Gloire et pureté à Lui! Et à eux-mêmes, (ils assignent) ce qu’ils désirent

En réalité, ce que ces hommes s’assignent, ce qu’ils désirent, ce sont les filles assignées à Allah. Ils se pensent légitimes en cela car il sont choisis par Dieu. Avouons que cela a beaucoup plus de sens. Les versets 15 et 16, séparés par un « ou », décrivent donc les deux formes majeurs d’égarement parmi les croyants: ceux qui se pensent investis de l’esprit divin, et ceux qui se disent élus/choisis.

Les premiers se trouveront plus naturellement dans le monde chrétien et plus spécifiquement catholique. Leur doctrine est centrée sur la gnose johannique. Parce qu’ils ont reçu une part de l’esprit, ils détiennent une autorité spirituelle légitime. C’est ainsi que cette autorité combinée à des concepts mystiques est susceptible de leur conférer un pouvoir de détournement des âmes qui se confient à eux. Certains penseront aux scandales liés aux enfants, mais un meilleur exemple serait les affaires qui ont secoué le monde catholique sur des systèmes d’emprise mystique installés par des figures théologiennes reconnues unanimement. A l’heure actuelle, malgré les témoignages, certains n’ont pas réussi à se défaire des doctrines enseignées alors qu’elles sont cohérentes avec les pratiques déviantes. A mon avis, ce que nous savons n’est qu’une infime partie de la vérité. Lorsque la sexualité fait irruption brutalement dans le monde physique d’une personne qui s’affiche publiquement dans une démarche de sainteté, la seule solution possible est la dissociation traumatique. Nous percevons bien comment le célibat/chasteté consacré peut amener à conceptualiser une sorte d’union matrimoniale avec Dieu. Ainsi, celui qui serait investi d’une part divine endosserait le rôle de faire advenir la relation sur le plan sexuel dans le monde. Concrètement, il s’agit d’habiller la fornication hors mariage d’un habit de sainteté.

Quant aux deuxièmes, nous devons nous tourner vers le monde musulman. Le thème trouve une triste résonance avec l’actualité. Car ceux qui semblent pointés du doigt ici sont bel et bien les djihadistes. Bien souvent, dans leur discours en rupture avec la société et notamment leur échecs sentimentaux, la perspective de se voir récompenser de vierges au Paradis semble être le moteur principal du recrutement. Et parce qu’une certaine interprétation, sujet que nous avons déjà traité, leur font penser qu’ils auraient droit à des esclaves sexuelles, ils se pensent donc légitimes à capturer des femmes parmi les populations envahies. Les témoignages sont légions.

Ce qui est fascinant, c’est que l’on peut constater que malgré la radicale opposition de vision religieuse, de statut social, de rapport au monde, la perversion, l’inversion des valeurs de sainteté et l’objectisation des femmes sont leur traits communs. Cela peut expliquer pourquoi ces morceaux choisis du Coran évoquent le rapport à la femme dans la traduction usuelle. Muni de ces nouveaux éléments, nous pouvons redonner son véritable sens à la suite:

17 Et quand on annonce à l’un d’eux parmi ce qui est exposé comme exemple  (pour être guidé) vers le Tout Miséricordieux, son visage s’assombrit d’un chagrin profond.

L’expression « dharaba mathalan » est un classique coranique. Nous l’avons d’ailleurs vu récemment alors qu’il s’agissait de lui retirer son interprétation violente, toujours en rapport avec les femmes. Il s’agit d’exposer en exemple. Ici, il a été ajouté (pour être guidé) afin de faciliter la compréhension, mais ce n’est pas nécessaire, la phrase fonctionne très bien sans. Il n’est donc pas question des filles en particulier mais de toute personne qui peut servir d’exemple dans la voie droite et qui serait annoncée à ces gens. La réaction est analogue à l’annonce de la naissance d’une fille. Le verset suivant prolonge donc cette idée de bonne nouvelle:

18 Et quand (un) est mis en avant parmi les bijoux alors il (l’un d’eux)  est dans la dispute peu claire.

Face à cette réinterprétation, ceux qui sont décrits par leurs déviances sombreront dans des explications confuses. C’est le rôle principal des bijoux de leur faire face.

Paix sur les âmes de bonne volonté.