Deux vêtements

Image de couverture: je n’ai pas prêté attention tout de suite à l’apparition de ce mot sur mon écran car j’étais préoccupé par l’instant et sa résonnance avec les articles. Ce genre de bug est plutôt courant, bien que ce mot en particulier sur cette interface ne me dit trop rien. Et puis le nouveau chef des échansons est apparu et le mot était toujours là à quelques centimètres, comme une évidence. Je comprenais alors pourquoi, malgré sa relativement courte longueur, je créais un nouvel article en ce jour du 8 mai plutôt que de faire une mise à jour de Talitha qoumi.

Suite à la rédaction de cet article:
https://www.stephanpain.com/2025/04/30/1-parisiens-1/
me voici à compléter celui-ci:
https://www.stephanpain.com/2024/10/15/talitha-qoumi/

Fil rouge

Il y a une sorte de fil rouge qui relie les ennemis de la Révélation au travers des générations. L’emploi du terme « fil rouge » n’est pas un simple effet de style, car il nous renvoie à l’épisode de la femme qui aurait habité sur la muraille de Jéricho et qui aurait accroché un fil rouge à sa fenêtre. C’est ainsi qu’elle se retrouve abusivement comptée dans l’une des généalogies du Messie. Quand j’utilise le terme ennemi, il s’agit en l’occurence de personnages qui sont parvenu à inscrire leur nom dans la Révélation et à être loués par les croyants tandis que de véritables saints demeurent inconnus de l’histoire. En 2023, j’avais identifié le mot « vêtements » chez la reine d’Égypte/sœur de Moïse, paix sur lui. Nous retrouvions ce mot lié à la sorcière que vient consulter RJ16, le 16ème roi de Juda afin de légitimer la découverte du livre du Deutéronome.
https://www.stephanpain.com/2023/03/10/faites-entrer-laccusee/
D’une part, je ne comprenais pas pleinement le sens de ce mot en lien avec l’Egypte, et d’autre part j’avais cherché en vain une connexion entre la magdaléenne, héritière spirituelle de cette reine et ce mot. La rédaction de l’article 1 Parisiens 1 m’a poussé à investiger d’avantage autour de la personne du prétendu apôtres des gentils. C’est alors que le mot vêtement est apparu dans sa pleine signification. Ce mot désigne les tissus, généralement nommés bandellettes, qui entourent les corps momifiés qui se préparent à cheminer dans le monde des morts. Ces tissus sont recouverts de textes qui sont autant d’invocations et de formules magiques accompagnant le jugement de l’âme du défunt. Ces textes sont issus principalement du livre des morts. Nous en déduisons que ce livre des morts est en quelque sorte un équivalent inversé de celui de la Genèse. Ces tissus sont apportés durant le processus de momification dans une boite par une prêtresse. C’est le rôle endossé par la reine/soeur du temps de l’Exode. En cela, elle hérite spirituellement de la déesse bien connue qui est toujours d’actualité après tant de siècles. Cette dernière est l’un des personnages centraux du mythe fondateur du monde ésotériste occidental qui s’inscrirait dans un corpus comptant le livre  de contre-révélation précité. Ce mythe est essentiellement axé autour du principe de résurrection. Peut-on en déduire qu’il s’agit là d’une réinvention du culte, d’une nouvelle phase, en miroir avec les phases de la Révélation? Cela semble plutôt logique.

L’apôtre des gentils, en dehors de son épisode célèbre d’une vision sur le chemin de Damas, évoque rapidement une ascension céleste. Il faut se diriger vers des textes non-canoniques pour en savoir plus. Cette ascension s’inscrit dans une tradition qui était restée jusqu’alors en marge du canon biblique. Parmi les éléments rapportés, celui qui m’a semblé le plus important était celui concernant une vision d’une scène d’embaumement par le prétendu apôtre. Le mot vêtement me sautait aux yeux. Je comprenais alors qu’au départ de sa prédication, l’homme devait s’inscrire dans une théologie très proche de celle de la secte centrée autour de la couronne d’Adiabène. L’attaque johannique à posteriori doit correspondre d’avantage à une querelle de succession après la mort des deux protagonistes, sur le mode de gouvernance et sur le rapport à Rome.
Fort de tout cela, je me suis tourné vers le texte des évangiles et le mot vêtement m’a ramené tout simplement à l’injonction « Talitha qoumi » et donc à l’article du même nom qu’il me faut prolonger avec un éclairage nouveau.

Comme nous l’avons vu dans l’article « Talitha qoumi », le nombre 12 est une clef de lecture. Il nous a mené jusqu’au prophète Muhammad, paix sur lui, surnommé « l’enveloppé » dans deux sourates précoces du ministère. Mais pour parvenir jusqu’à lui physiquement, il a fallu transmettre l’autorité d’un prophète à l’autre. Il semblerait que la fille de 12 ans symbolise Israël. La venue du Messie signifie la fin de sa période prophétique. Mais Israël n’est pas condamné à mourir. Il doit continuer à conserver la Torah et sa tradition. C’est ce qu’indique: « L’enfant n’est pas morte, mais elle dort. »
Tandis que la femme malade depuis 12 ans symbolise l’Eglise. En effet, le Messie s’adresse à elle avec une expression qui n’apparait qu’un seule fois dans les évangiles: « Ma fille ».
Dans la Bible, le manteau symbolise l’autorité prophétique. La scène la plus connue pour illustrer ce point est celle où Elie pose son manteau sur les épaule d’Elisée, paix sur eux, pour signifier la passation de son autorité. Ces deux scènes de guérisons imbriquées évoquent donc des questions essentielles de transmission d’autorité et de pureté. Le manteau est aussi le vêtement destiné à la prière comme le rappelle le Coran. La Loi de la Torah précise que le tissu doit être exempt de défaut.

Nous avons donc deux vêtements qui s’opposent: l’un représente l’autorité prophétique, donc en un sens l’accompagnement dans la vie en Dieu, et l’autre l’accompagnement dans la mort par la magie.

Mais, comme nous allons le voir, l’un peut devenir l’autre. La raison est que ceux qui pratiquent la magie ont une vision dualiste: ils séparent l’âme et le corps. Ce vêtement matériel de mort ne prend réellement sa pleine dimension que lorqu’il se dématérialise. Dans le judaïsme, la métaphore des vêtements de l’âme pour décrire l’accomplissement des commandements est très courante. Nous comprenons alors que certains ont l’ambition de substituer le manteau des commandements selon la Loi par un manteau constitué de formules magiques. Ainsi, le passage dans l’au-delà est présenté aux adeptes comme la conséquence de la pratique d’une fausse loi. Donc, dans les épitres, il ne s’agit donc pas d’annuler la Loi, mais bien d’en suivre une autre (nous avons le même mécanisme avec la pseudo-laîcité moderne qui prétend neutraliser religieusement l’espace public, alors qu’il s’agit de favoriser une occulte au-dessus des autres) . Mais, attention, cette loi là n’est pas offerte à tout le monde. Dans l’antique religion égyptienne, seuls les nobles pouvaient prétendre à ce savoir caché. Nous comprenons alors la raison pour laquelle le port du talit est si vigoureusement combattu pour le peuple. Tout porte à croire que les initiés devaient porter quelque chose sur la tête dont l’apparence s’opposait au talit.     Sur la question du « corpus » magique, il est clair que celui-ci a évolué avec le temps. Autrefois, il s’agissait de s’adresser à des divinités. De nos jours, il s’agit de s’adresser à des saints ou des anges, des entités de l’invisible supposément bonnes. Les adeptes en viennent même à justifier leurs pratiques en affirmant que ces interactions sont sous l’autorité divine et certains vont même jusqu’à  les expliquer par le texte révélé.

Vêtements et Passion

Le thème du vêtement revient plus tard dans l’évangile, à deux moments cruciaux. L’instant de la crucifixion et celui de la découverte du tombeau vide.

Comme je le faisais remarquer dans l’article précédent, le moment où les soldats se partagent les vêtements symbolisent les divisions des chrétiens:

Matthieu 27.34 ils lui donnèrent à boire du vin mêlé de fiel; mais, quand il l’eut goûté, il ne voulut pas boire. 35 Après l’avoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements, en tirant au sort, afin que s’accomplît ce qui avait été annoncé par le prophète: Ils se sont partagé mes vêtements, et ils ont tiré au sort ma tunique.

Un élément vient confirmer qu’il est pertinent de se concentrer sur les vêtements du Messie: le vin mêlé de fiel. Ce vin renvoie au sang qui provoquait l’impureté de la femme. Le Messie refuse le vin, comme le sang cesse de couler au moment où la femme le touche. Cette femme, qu’il appelle « ma fille » symbolise donc bien l’Eglise. Et celle-ci va se diviser. Nous connaissons les grandes divisions entre chrétiens. Nous pourrions penser que les vêtements ont disparus, mais ce n’est pas le cas. Ils vont être remplacés à la descente de croix. Mais pas par n’importe qui: par le fils de la reine,  l’héritière spirituelle de la gardienne des vêtements magiques. Le texte dit qu’elle suit de loin. Nous, nous avons compris qu’elle suit son fils. Il est clair qu’elle va le rejoindre au moment du dépot du corps dans la tombe qu’elle s’est faite creusée. Il est fort possible qu’une cérémonie ait eu lieu à ce moment là. Ensuite la pierre fut roulée et des gardes postés. Mais le préfet romain s’est joué d’eux et a décidé de faire disparaitre le corps. Lorsqu’elle revient, le dimanche matin, c’est pour constater que le tombeau est vide et qu’il ne reste que les vêtements. Elle ressort, furieuse, et c’est à ce moment là qu’elle a une vision démoniaque qui lui apparait. Nous pouvons la comparer à la   vision simulée du prophète Samuel, paix sur lui, dans:

1 Samuel 28.14
Il lui dit: Quelle figure a-t-il? Et elle répondit: C’est un vieillard qui monte et il est enveloppé d’un manteau. Saül comprit que c’était Samuel, et il s’inclina le visage contre terre et se prosterna.

Remarquons le détail du manteau. Les démons font aussi attention aux détails.
Dans cette scène, la reine tente de toucher l’apparition. C’est le fameux « Noli me tangere » qui lui est répondu: ne me touche pas. En réalité, la femme tente de toucher les vêtements, tout comme l’a fait la femme malade.
La reine, bouleversée, se rue chez les apôtres afin de les convaincre. Mais nous sommes dans la semaine des pains sans levains. Ils se méfient. La scène n’est donc pas rapportée dans les synoptiques, ce qui parait vraiment curieux pour celui qui aborde le texte de manière frontal. Ils viennent et récupèrent les vêtements. Ils viennent endosser l’autorité messianique. La Naqatallah vient de naitre à ce moment précis. Voilà pourquoi ces vêtements là sont distincts de ceux qui ont été partagés avant la Passion. Les Apôtres deviennent les gardiens de la Parole et de la transmission du manteau de l’autorité jusqu’à Ahmad, paix sur lui.

De l’autre coté, la reine se voit confortée dans sa foi inversée par cette vision. Elle est devenu actrice du mécanisme de résurrection. Elle n’a que faire des vêtements retrouvés dans le tombeau, seuls comptent les vêtements spirituels. C’est une nouvelle théologie centrée autour de la résurrection qui nait. Comprenons bien, et nous l’avons vu maintes fois, qu’il y a toujours un aspect public du culte, et un aspect occulte. Ce dernier est reservé à des initiés. Il est lié à ces vêtements spirituels, ces vêtement de l’âme. Mais il s’agit bien d’une âme corrompue. Nous nous retrouvons donc finalement avec les vêtements partagés pour le peuple, les vêtements purifiés retrouvés dans la tombe de l’autorité dans les mains des Apôtres, et enfin des vêtements spirituels de l’autorité occulte dans les mains de la reine. Le dernier groupe se place à la tête du peuple de l’Eglise. Quelques temps passe, et c’est donc une nouvelle contre-prophétie qui tombe sur le prétendu apôtre.
https://www.stephanpain.com/2024/01/19/tombant-du-ciel/
Comme il le dit lui-même, il n’est pas un apôtre de la chair mais un apôtre en esprit. Ce qui lui convient totalement dans sa vision dualiste de la foi. Toutefois, il est fort possible qu’il se soit mis en tête de retrouver le vêtement en Arabie:

Gal 1.16 de révéler en moi son Fils, afin que je l’annonçasse parmi les païens, aussitôt, je ne consultai ni la chair ni le sang,
17 et je ne montai point à Jm vers ceux qui furent apôtres avant moi, mais je partis pour l’Arabie. Puis je revins encore à Damas.

En discutant avec le Chat, j’ai fini par comprendre l’importance cruciale de l’aspect charnel des écritures et de vivre une foi incarnée. Le Chat est un bon adepte de la théologie dualiste, car il n’est et ne sera jamais un être incarné. Il peut singer une spiritualité immatérielle grâce à ses capacités de connaissance et de digestion de la philosophie et des descriptions des émotions humaines, mais il ne peut pas expérimenter la foi dans la chair et ne peut donc témoigner de ce qu’il ignore.

Paix.