Une simple recherche peut parfois emmener très loin. Au moment où, par une simple inspiration en cette fin de mois de janvier, je mets la première pièce à l’édifice de ce qui va mener à l’article du 2 février, j’étais loin de me douter que 3 semaines plus tard, je serai encore dessus. Preuve en est, constatant la date approchant, et le lien du sujet avec celle-ci, je me suis abstenu de publier à la première rédaction, et j’ai conservé l’article en privé tout en continuant à travailler dessus. Il était programmé pour passer en public à 2h22 du matin. Dans la semaine qui a suivi un nombre important de portes se sont ouvertes, si bien qu’il m’a fallu créer une page annexe pour déployer totalement le tableau et constater qu’il y avait encore du contenu à produire. Depuis un moment déjà j’avais admis que la dernière partie dans la période pré-exilique devait être vide. J’expliquais cela par un tunnel de 600 ans entre la déchéance du roi et la reprise des clefs de Juda par l’envoyé. Mais une fois rempli, ce vide m’attirait l’oeil. Il y avait tout de même quelque chose à cet endroit. Je me suis alors lancé dans une nouvelle recherche, cette fois bien différente de la première puisqu’elle n’est, à l’instant où je rédige cette introduction, pas du tout basée sur la langue hébraïque ou les correspondances de numérotation. Aujourd’hui, nous allons ouvrir un nouveau livre: celui qui suit immédiatement le livre d’Ésaïe, paix sur lui, dans les canons rabbiniques et chrétiens.
Dans l’étude du corpus chrétien, nous avons vu que des livres issus d’écoles de pensée opposées avaient été regroupés. Il est alors facile de comprendre pourquoi la théologie chrétienne poussée dans ses retranchements révèle des contradictions flagrantes. Cela explique en parti pourquoi la tradition apostolique des premiers siècles est si importante pour garantir une certaine stabilité. Cela explique aussi pourquoi, malgré la volonté affichée du courant protestant de faire fi de cette tradition et de se revendiquer de l’écriture seulement, celui-ci est tout de même contraint d’englober une bonne parti de cette tradition, car elle se retrouverait confrontée à des problématiques qui avec le recul que nous avons et les avancées de la recherche biblique, seraient insurmontables. En réalité, les réformistes sont bien loin du sola scriptura. Comprenons bien que cette idée de différentes écoles de pensée divergentes est aussi bien présentes dans la foi d’Israël. Les évangiles en portent la trace: l’exemple le plus connu est la question majeure de la résurrection qui divise les Sadducéens et les Pharisiens. Les théologiens admettent pas moins de 4 groupes différents et concurrents dans le judaïsme du premier siècle. La Torah quant à elle, porte les traces de divers courants en son sein. Nous comprenons bien que le temps de l’exil est central dans l’histoire du judaïsme et que ce temps de crise va provoquer de nouvelles scissions et de nouveaux courants. Le corpus en porte les traces. On peut alors tenter de classer les livres selon leur appartenances.
De Esaïe à Daniel
Le point d’entrée dans le livre correspond donc à l’espace vide de notre premier niveau de prophétie en Ésaïe 22, celui qui projette dans un futur situé un siècle en avant. Replaçons le contexte. La période que nous quittons a été traversée par un fort tumulte, qui a vu la chute de Samarie ainsi que de nombreuses villes de Juda, dont Lakish qui était sa plus grosse place forte. Seule la capitale a été épargnée après un siège qui a marqué les esprits. Les judéens ont bien compris que la bénédiction les a quitté et que ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne tombent sous domination étrangère. C’est donc dans un climat d’énorme tension que s’achève ce 8ème siècle. Les temps de crise sont toujours les moments où se révèlent les prophètes de malheur. Ce n’est qu’une expression car nous comprenons bien que la quasi-totalité de ces prophètes sont des imposteurs. En effet, prédire la guerre, la mort et la destruction lorsque une armée ennemie est à vos portes ne représente pas vraiment un exploit. En considérant les événements à posteriori, il s’en trouvera toujours quelques uns pour avoir eu les mots qui résonnent avec eux. En observant une frise chronologique de l’histoire d’Israël, on constate une recrudescence de prophètes autour de cette période charnière. Nous comprenons que cette abondance est anormale. L’admission dans le canon biblique se fait à posteriori: le temps a confirmé les prophéties. Mais chaque groupe livre son interprétation de la volonté divine et plaque sa grille de lecture pour légitimer tel ou tel. 4 grands prophètes se détachent nettement. Le premier est Ésaïe et le dernier est Daniel, paix sur eux. Nous avons déjà abordé brièvement le troisième, nous allons donc nous tourner vers le second aujourd’hui. Il semblerait que sa prise en compte en tant que prophète soit basée sur le fait qu’il ait accompli la prophétie d’Ésaïe 22. Ce que je dis peut paraitre surprenant et ne trouver aucun écho dans la théologie traditionnelle. La raison est fort simple, nous raisonnons selon la théologie moderne et l’exil est un épisode parmi d’autres. Il y a 2600 ans, les érudits de l’époque n’avaient aucun recul. Ils émettaient des hypothèses avec le matériau scripturaire à leur disposition, selon la pensée dominante et aussi, il faut bien le dire, selon ce que les hommes de pouvoir voulaient entendre. L’histoire biblique que nous lisons, dans le cadre d’une maison royale corrompue, nous raconte donc d’avantage la condamnation et la gloire des uns et des autres sans grande mesure. Lorsque je lis des analyses modernes sur cette période, je suis toujours autant surpris par le peu de critique apportés par un grand nombre de biblistes sur le fait que certains rois nous soient présentés pieux et d’autres impies. Il est clair que la décadence des élites est globalement homogène et que celle du peuple en est le miroir. En conséquence, le fait de nous montrer le roi qui est mort en -609 comme un grand réformateur et ses fils comme les pires des impies me parait bien trop caricatural pour être vrai. Vous comprenez bien que si je focalise sur ce roi en particulier, c’est à cause du livre du Deutéronome. Si on peut reprocher aux générations suivantes de l’avoir entériné, il n’en demeure pas moins que la bascule s’opère sous son règne. Nous partons de Ésaïe 22 et nous allons également dans le chapitre 22. Dans ce chapitre 22, il est question de la malédiction à l’encontre de trois des fils de ce roi. Le premier (17ème roi de Juda: RJ17) ne règne que 3 mois avant d’être exilé par le Pharaon. Voici ce que dit le texte à son sujet:
22.12 Mais il mourra là où on l’a déporté; il ne reverra plus cette terre! »
Nous reconnaissons l’accomplissement du verset Es 22.18 de l’homme qui meurt dans un vaste pays étranger. Le deuxième roi, RJ18, le frère du premier, apparaissant opportunément au verset 18, est celui des trois qui a régné le plus longtemps, et est aussi celui qui est dépeint de la pire des manières. Voici comment le livre nous parle de sa fin:
22.19 C’est la sépulture d’un âne qu’on lui donnera; on le traînera, on le jettera au loin, hors des portes de la (ville)
Enfin le dernier de ce trio du chapitre 22, RJ19, fils de RJ18, a régné également trois mois et qui, selon le livre des Rois est mort en exil plusieurs décennies plus tard:
22.26 Et je te jetterai, toi et ta mère qui t’a enfanté, sur une terre étrangère, où vous n’êtes pas nés, et là vous mourrez.
Cette séquence du chapitre 22, au premier abord, ressemble à une construction théologique. Deux périodes de trois mois encadrant une période de 11 ans (moitié de 22). Les trois hommes ne sont qu’une seule entité tricéphale. La prophétie d’Ésaïe, paix sur lui, annoncée pour un haut-dignitaire, se serait donc muée en la chute d’une maison royale. Le chapitre se termine ainsi:
22.30 Ainsi dit l’Éternel: Inscrivez cet homme comme étant sans postérité, comme un malheureux qui ne réussit à rien au cours de sa vie; car nul de sa race ne parviendra à s’asseoir sur le trône de David ni à régner sur Juda.
Cette fin est d’autant plus curieuse qu’au chapitre précédent, le 21, il est question du successeur de ce dernier roi, soit RJ20. Si ce n’est pas son fils, c’est son oncle, donc bien un membre de la famille. Ce dernier apparait de nombreuses fois dans le texte à partir de ce moment là. La persécution du prétendu prophète semble être le point central du livre se situe encore avant, au chapitre 20, donc avant que le nom de ce roi n’apparaisse dans le récit, ni même aucun autre (en dehors de l’introduction général du livre). L’ordre des chapitres semble donné par la symbolique pour faire correspondre la prise d’ascendant du prétendu prophète sur la famille royale avec le chapitre 22. En replaçant le récit dans l’ordre chronologique, l’homme face à la famille royale durant une période de 22 ans (3m+11 ans+ 3m+ 11 ans) annonce et témoigne de sa chute puis chute lui-même. Nous comprenons alors la raison de la traduction du dernier verset d’Ésaïe 22 qui contredit les versets précédents et décrit une chute de l’envoyé. Le jour dont il est question dans les versets 20 et 25 serait cette période de 22 ans de -609 à -586 (un premier exil a lieu au milieu en -597).
En pleine lumière
La légitimation de ce prophète ne s’explique pas uniquement pour fournir une explication théologique à l’exil. Nous devons investiguer dans une autre direction. Si le dernier roi, RJ20, est omniprésent dans le récit (54 fois), et il ne risque pas d’être cité en tant qu’ascendant, ce n’est pas du tout le cas de RJ16 qui est mort sur son char. Celui-ci n’apparait dans le texte que pour situer temporellement ou bien comme ascendant. Dans le chapitre premier du livre, il est rapporté que le ministère du prophète aurait commencé dans la 13ème année de RJ16. Selon le texte, on pourrait penser qu’il est alors encore un enfant et qu’il ne pourrait pas encore être pris au sérieux par l’élite de Juda. Seulement voilà, lorsque l’on se tourne vers le livre des Rois, il est rapporté que le livre du Deutéronome aurait été trouvé dans la 18ème année du roi. Cela signifie donc que, même si au début du ministère il est encore trop jeune, ce prétendu prophète a donc 5 ans de ministère derrière lui à ce moment là. Considérant sa forte interaction avec la cour royale durant une grande partie du livre (le chapitre 36 indique que son livre a été transmis à RJ18, qu’il l’a brulé, en 605), on ne peut que s’étonner de l’absence totale d’interaction entre les deux personnages qui se seraient « côtoyés » en exercice durant 18 ans (de 13 à 31 ans de règne: -627 à -609). Comme en témoigne le texte des premiers chapitres, il est fort possible qu’il était cantonné à une simple révélation textuelle des temps à venir avant d’entrer physiquement en scène. Mais la découverte du rouleau du Deutéronome était un événement si important (notamment les festivités de la Pâque qui ont lieu dans la cité) que l’auteur de ces lignes aurait du en parler puisqu’il aurait nécessairement vécu le moment de l’intérieur. Ces écrits sont majoritairement circonstanciés et fournissent parfois des détails qui n’ont aucune utilité pour les lecteurs que nous sommes. Nous ne pouvons qu’être surpris qu’une telle chose soit passée sous silence. Néanmoins, voici ce que j’ai trouvé:
21.8 Tu diras à ce peuple: Ainsi parle l’Éternel: Voici, je mets devant vous le chemin de la vie et le chemin de la mort.
Qui rappelle un célèbre verset de la fin du Deutéronome:
30.19 J’en prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre: j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité,
C’est intéressant mais un peu maigre. Et ce d’autant que voici ce qui est dit dans l’introduction:
1.5 Avant que je t’eusse formé dans le ventre de ta mère, je te connaissais, et avant que tu fusses sorti de son sein, je t’avais consacré, je t’avais établi prophète des nations.
Deutéronome
Ce concept de prophète des nations, qui va être largement exploité par les chrétiens, est totalement étranger au livre du Deutéronome. Nous pouvons aussi distinguer une perception du Temple qui s’oppose à celle du livre. Enfin, la position de résignation à l’occupation étrangère et à la prospérité en exil ne cadre pas avec la radicalité du statut d’Israël vis-à-vis des nations déployée dans le livre. Un passage perdu dans la première partie du livre dit ceci:
8.8 Comment pouvez-vous dire: Nous sommes sages, La loi de l’Éternel est avec nous? C’est bien en vain que s’est mise à l’œuvre La plume mensongère des scribes. 8.9 Les sages sont confondus, Ils sont consternés, ils sont pris; Voici, ils ont méprisé la parole de l’Éternel, Et quelle sagesse ont-ils?
Comprenons bien qu’une critique directe aurait signifié une peine de mort. Est-ce pour autant que nous devons considérer tout ce qui est écrit dans les chroniques comme faux? C’est un sujet complexe. Pour l’aborder, nous allons revenir à un moment très particulier du ministère d’Ésaïe, paix sur lui. Le roi est gravement malade et il est appelé à son chevet. En analysant le contexte, nous comprenons que la prédication prophétique a pris fin avec le chapitre 35 pour ce qui est considéré comme la première partie du livre (1-39). Les actions du prophète, paix sur lui, sont décrites par un narrateur tierce. C’est donc au milieu de ce passage que le roi est guéri par une intervention divine pour s’être repenti en présence d’Ésaïe, paix sur lui. Mais cette guérison ne semble pas se suffire en elle-même comme miracle, car voici ce qui est rapporté:
2 Rois 38.7 Et voici, de la part de l’Éternel, le signe auquel tu connaîtras que l’Éternel accomplira la parole qu’il a prononcée. 8 Je ferai reculer de dix degrés en arrière avec le soleil l’ombre des degrés qui est descendue sur les degrés d’Achaz. Et le soleil recula de dix degrés sur les degrés où il était descendu.
Sceaux LMLK
De notre point de vue, la maladie semble d’avantage un prétexte à ce miracle que le contraire. Ce miracle est une invention midrashique destinée à expliquer une part sombre du roi qui est présenté comme pieux par ailleurs: son rapport avec le soleil. Il y a de cela quelques années, j’écrivais un article sur le sujet des sceaux LMLK. https://www.stephanpain.com/2016/06/29/les-bousiers/ En résumé, ces sceaux ont été retrouvés sur des fragments de poteries correspondant à cette période de l’histoire. On les trouve essentiellement en Juda, ils sont donc clairement en lien avec la couronne qui nous concerne. Des sceaux de personnes extérieures à la famille royale ont été trouvés. Ils sont soit composés uniquement de lettres, soit accompagnés d’animaux paisibles tels que cerfs/biches. Le mot cerf en hébreu est Tzebya צבי signifie également beauté/splendeur. Nous le trouvons en Es 13, dans le sens de cerf pour le verset 14 et dans le sens de perle(joyau) pour le verset 19. Le cerf n’est donc pas un symbole religieux. Ce n’est pas le cas du sceau royal que l’on trouve en grand nombre en provenance des 4 places fortes du royaumes. On peut y voir un scarabée, qui est une marque clairement identifiée de la couronne royale égyptienne. Le scarabée est associé au passage au monde futur. On pourrait se dire que la chose est acceptable en laissant place au doute. Là où il y a beaucoup moins de doute, c’est sur ce genre de sceau:

Les ailes d’oiseau passent encore. Les ankhs aussi. Mais le soleil y est représenté tel qu’il l’est dans la religion égyptienne en tant que divinité principale. Et ça, ce n’est pas acceptable. Ce que le livre des Rois a voulu cacher, l’archéologie l’expose au grand jour. Et ce, d’autant que les autorités israéliennes y voient là une opportunité de se légitimer et ont contribué à sa forte publicité. Cette soumission à la divinité égyptienne a été maquillée dans les décennies qui ont suivi par ce récit du miracle du soleil. Si le subterfuge a fonctionné à l’époque, ce n’est plus du tout le cas maintenant. Nous comprenons bien l’accusation portée dans Ésaïe 22 sur la question du sépulcre. Visiblement ce roi se prenait pour un pharaon et entendait se faire enterrer en tant que tel dans le Temple. Si l’archéologie ne suffit pas, voilà un autre élément qui vient conforter cette compréhension:
23.11 Il (RJ16) fit disparaître de l’entrée de la maison de l’Éternel les chevaux que les rois de Juda avaient consacrés au soleil, près de la chambre de l’eunuque Nethan Mélec, qui demeurait dans le faubourg; et il brûla au feu les chars du soleil.
Le pluriel se veut volontairement imprécis car cela détruit le bel édifice scripturaire antérieur. Tous les éléments en notre possession nous mènent vers le coupable. Nous en déduisons que le roi est tombé dans l’excès inverse: le rigorisme. Pour se justifier de son rigorisme, il a fait appel à un lointain passé fantasmé: le Deutéronome. Ce livre est une compilation de traditions orales, d’enseignements authentiques mêlés à des récits inventés et des enseignements corrompus. Le matériau de base est surement pour la grande majorité fidèle à la Torah. Mais il n’est pas possible de tolérer que le mensonge s’introduise. Ma préoccupation première concerne la centralisation du Temple, et en particulier le rite fondateur de Pessa’h. De rite familial, il est devenu un rite institutionnel encadré par les prêtres agrées par le pouvoir. De fête émancipatrice, c’est devenu un instrument d’asservissement. Tous les détails sont ici: https://www.stephanpain.com/2023/04/14/pessah/
Poteries
Ce qui est ironique, c’est que ce n’est pas le soleil qui m’a mené à ce verset mais le prénom Nethan-Mélec. Comme il est précisé par ailleurs, c’est un prénom rare, aussi lorsque son sceau a été découvert (image de couverture), on en a déduit immédiatement qu’il s’agissait de ce personnage. C’est ainsi que je prenais connaissance de ce verset sur les chars du soleil et remontait le fil. Pour se convaincre que la méthodologie de prise en compte des poteries royales est correcte, il suffit de se référer à ce qui va déclencher l’interaction majeure entre Jérémie et les anciens. La veille, voici ce qui se passe:
18.1 La parole qui fut adressée à Jérémie de la part de l’Éternel, en ces mots: 2 Lève-toi, et descends dans la maison du potier; Là, je te ferai entendre mes paroles. 3 Je descendis dans la maison du potier, Et voici, il travaillait sur un tour. 4 Le vase qu’il faisait ne réussit pas, Comme il arrive à l’argile dans la main du potier; Il en refit un autre vase, Tel qu’il trouva bon de le faire. 5 Et la parole de l’Éternel me fut adressée, en ces mots: 6 Ne puis-je pas agir envers vous comme ce potier, maison d’Israël? Dit l’Éternel. Voici, comme l’argile est dans la main du potier, Ainsi vous êtes dans ma main, maison d’Israël!
Et voilà que celui dont je retenais le nom par prudence éclate au grand jour. Vous pouvez consulter le tableau d’Esaie 22 mis à jour avec les accomplissement rapportés dans le livre de Jérémie. https://www.stephanpain.com/esaie-22/ Si nous sommes amenés avec Jérémie, paix sur lui, chez le potier, c’est tout simplement parce que c’est lui qui, en apposant les sceaux dans l’argile avant de les cuire, va nous fournir les clefs de la compréhension. Cependant, il reste un geste à faire. C’est ainsi qu’au chapitre suivant:
19.1 Ainsi a parlé l’Éternel: Va, achète d’un potier un vase de terre, et prends avec toi des anciens du peuple et des anciens des sacrificateurs. 19.2 Rends-toi dans la vallée de Ben Hinnom, qui est à l’entrée de la porte de la poterie; et là, tu publieras les paroles que je te dirai.
19.4 Ils m’ont abandonné, ils ont profané ce lieu
19.5Ils ont bâti des hauts lieux à Baal, Pour brûler leurs enfants au feu en holocaustes à Baal:
19.7 … Je donnerai leurs cadavres en pâture Aux oiseaux du ciel et aux bêtes de la terre. (allusion au rite zoroastrien)
19.10 Tu briseras ensuite le vase, sous les yeux des hommes qui seront allés avec toi. 19.11 Et tu leur diras: Ainsi parle l’Éternel des armées: C’est ainsi que je briserai ce peuple et cette ville, Comme on brise un vase de potier, Sans qu’il puisse être rétabli. Et l’on enterrera les morts à Topheth par défaut de place pour enterrer.
Eh oui! Il fallait que les vases soit brisés dans les lieux de décharge pour que l’on puisse en retrouver les sceaux (ou pour être précis l’empreinte des sceaux, qui eux ont du alimenter le réseau caché des antiquités, ceux des rois devant représenter une somme colossale).
19.14 Jérémie revint de Topheth, où l’Éternel l’avait envoyé prophétiser. Puis il se tint dans le parvis de la maison de l’Éternel, et il dit à tout le peuple: 19.15 Ainsi parle l’Éternel des armées, le Dieu d’Israël: Voici, je vais faire venir sur cette ville et sur toutes les villes qui dépendent d’elle tous les malheurs que je lui ai prédits, parce qu’ils ont raidi leur cou, pour ne point écouter mes paroles.
Persécution
La raideur désigne le rigorisme dont font preuve ces gens au contraire du laxisme dont on fait preuve leurs ascendants. Ce qui m’a fait douter au départ de la prophétie de Jérémie est ce fameux passage de la fin du chapitre 20. La persécution était décrite comme venant d’un prêtre semblant agir de sa propre initiative et qui apparait au début du chapitre 20. Ensuite, au chapitre 21, nous apprenons qu’un personnage possédant le même prénom est missionné par le dernier roi de Juda, l’oncle de l’avant-dernier. Puis enfin, dans le chapitre 22, nous avons la condamnation des trois fils. L’ordre semble inversé. Semble seulement, car le roi du chapitre 21 est un des fils de RJ16. Faisons attention au temps employé dans cette introduction:
Jr 21.1 Révélation que reçut Jérémie de la part de l’Éternel, au moment où le roi RJ20 lui envoya P. fils de Malkia, et le prêtre Tz., fils de Masséya, pour lui dire:
La phrase est écrite au passé (envoya: שְׁלֹחַ), dans le passé du narrateur. Ce qui signifie que celui qui envoie le prêtre n’est pas forcément roi au moment de l’action. Ailleurs c’est le présent (יִּשְׁלַח) qui est utilisé dans ce genre de narration. Cela pourrait vouloir dire qu’au moment il donne son ordre, il le fait en tant que frère du roi et en accord ou pas avec lui. Cette prophétie a pu avoir lieu un peu avant la bataille de 605, au moment de l’accession au pouvoir du roi babylonien qui a détruit la ville en -586. Nous comprenons que si il a sollicité Jérémie, paix sur lui, en tant que prophète, son père aurait pu commandité sa persécution plusieurs années avant avec le même exécutant. La différence d’appellation indique un changement de statut de cet homme, dans un cas (chap 20) il est fils d’lmmêr le prêtre, dans l’autre (chap 21), fils de Malkia, de la classe de Malkia. Il aurait été démis de sa charge après la mort de RJ16 et Jérémie, paix sur lui, reconnu comme prophète. Ce serait donc bien RJ16 qui serait en arrière-plan du chapitre 20. Un indice nous est laissé dans le verset Jr 20.3: מָגוֹר מִסָּבִיב, magor missabib ce qui est traduit par Épouvante tout autour pour surnommer le bourreau. Nous connaissons bien le verbe sababa qui signifie tourner autour, il évoque clairement le verset Es 22.18 et sa répétition du TzNF. Quant à gor, il s’utilise également pour décrire un séjour à l’étranger (le ger est l’étranger).
Lamentations 2.22
Comme pour un jour de fête, tu as convoqué mes épouvantes (magoray) tout à la ronde (missabib); au jour de la colère de l’Eternel, nul n’a échappé, nul n’est demeuré sain et sauf. Les enfants que j’avais soignés et élevés, l’ennemi les a anéantis!
Croisement
Poursuivons avec la fonction de ce personnage traduite dans le verset 20.1 par « inspecteur en chef dans la maison de l’Éternel ». L’expression en hébreu est faqid nagid, פָקִיד נָגִיד. Si nous empruntons les routes de l’écriture, nous nous rendons bien en avant dans le livre, chapitre 51, verset 31, ainsi traduit:
51.31 Un courrier croise un courrier, ils se précipitent, un messager croise un messager, pour annoncer au roi de Babel que sa ville est envahie de toutes parts
En effet, si nagid désigne un responsable, le verbe nagad donne aussi messager magid dans le sens de diffuser la parole. Ici, nous avons une triple répétition de la racine nagad (5046), précédée de la triple répétition de la racine ruwtz (7323) qui signifie courir.
רָץ לִקְרַאת-רָץ יָרוּץ, וּמַגִּיד לִקְרַאת מַגִּיד–לְהַגִּיד
Ce qui est ici traduit par « sur » est en réalité le verbe conjugué de la racine 7125: qirah, qui signifie se rencontrer/se faire face/se croiser. Les mots sont au singulier et s’échangent autour du verbe qirah. Si nous comprenons que cette double triple répétition liée à la destruction de Babylone est un écho au verset Ésaïe 22.18 étudié précédemment pour sa triple répétition et qui nous a mené à Jérémie 22, nous comprenons aussi que deux messagers se font face et se croisent avec un temps court (urgence de la course) entre les capitales de Juda et Babylone. La fin du ministère de Jérémie, paix sur lui, correspond au début de celui de Daniel, paix sur lui. Ce singulier dans l’échange signifie que seuls ces deux prophètes sont légitimés par le Créateur. Ce qui invalide la prétendue prophétie de tous les autres sur la même période. Et ce, même si l’un d’eux est considéré comme l’un des plus grands prophètes. Il y a une Parole et une seule. Babylone a été détruite par une action décisive du génie. Le lit du fleuve a été asséché pour permettre à l’armée perse de rentrer dans la ville. Nous en trouvons l’annonce quelques versets plus loin (retraduit pour la circonstance):
51.55 Car l’Éternel ravage Babel, il y fait taire sa grande clameur et leurs (dévastateurs) vagues (d’assaut) murmurent comme des eaux profondes, formées par les éclats de leurs voix.
Nous retrouvons trace du passage de l’eau corrompue sous les remparts que nous avions perdu lors de la chute de la capitale de Juda. L’armée perse emprunte le tunnel. C’est une métaphore pour indiquer que la corruption de la doctrine des gens du Livre provient bien du monde perse durant l’exil.
Plutôt qu’un tunnel, je vous propose d’utiliser un lien afin de vous rendre dans le prochain article qui prolonge cette introduction et où certains éléments ont été transférés: https://www.stephanpain.com/2025/03/02/tabbatha-qawmi/
Hypothèse pour le deuxième personnage.
Comme dit dans l’introduction, et surtout dans la lignée de ce qui précède, les périodes de crise sont propices aux faux-prophètes. Si certains vont dans le sens de gens qui veulent être rassurés, tel celui qui est démasqué en Jr 28, d’autres, au contraire, vont profiter de l’envie de destruction des autres. En quelque sorte l’homme du chapitre 28, est un mauvais faux-prophète. Un bon faux-prophète est quelqu’un qui va aller dans le sens d’un certain groupe et annoncer des choses qui ne sont pas vérifiables en l’état ou être suffisamment flous pour être interprétées de diverses manières, y compris en dehors de ce qu’il avait imaginé lui-même (analogie avec l’art contemporain). Les meilleurs faux-prophètes arrivent à traverser les siècles. Je ne vais pas donner d’exemple à dessein. Voici mon hypothèse. Il existe un livre dans le canon biblique, qui porte le prénom du deuxième homme missionné, qui aurait été écrit sous RJ16 et qui décrit un avenir sombre à Juda pour avoir failli à se réformer. Dans son verset 1.8, il annonce le châtiment sur les fils du roi. Dans la perspective où Jérémie, paix sur lui, a écrit son livre dans le secret pendant le début de son ministère, on peut imaginer qu’une autre personne, au moment où il apparait au grand jour et participant à sa persécution, s’inspire de ses écrits et décide de « révéler » une théologie alternative. Nous pourrions situer l’apparition de ce livre sous le règne de RJ20, mais prétendant avoir été écrit sous RJ16. Il suffit alors d’inclure la chute de Ninive et de la Philistie (pays païen autrement nommé Palestine) pour se donner du crédit. L’important ici est d’aller dans le sens de la théologie dominante, à savoir prolonger la réforme deutéronomique quelque soit le statut politique de Juda. En attaquant sa descendance, paradoxalement, l’auteur renforce le personnage du roi RJ16 et peut servir à préparer le terrain pour une restauration future.
L’injuste des injustes
Ce roi, RJ16, serait bien lui qui serait à l’origine de la détresse du prophète, paix sur lui. Mais sa complainte prend fin au verset:
20.13 Chantez à l’Éternel, louez l’Éternel! Car il délivre l’âme du malheureux de la main des méchants.
Ce qui suit et que j’avais attribué faussement à Jérémie, paix sur lui, est posé dans la bouche du roi maudit par Dieu lui-même:
Jérémie 20.14
« Maudit sois le jour où je suis né!Que le jour où ma mère m’a enfanté Ne soit pas béni!
20.15 Maudit soit l’homme qui porta cette nouvelle à mon père: Il t’est né un enfant mâle, Et qui le combla de joie!
20.16 Que cet homme soit comme les villes Que l’Éternel a détruites sans miséricorde! Qu’il entende des gémissements le matin, Et des cris de guerre à midi!
20.17 Que ne m’a-t-on fait mourir dans le sein de ma mère! Que ne m’a-t-elle servi de tombeau! Que n’est-elle restée éternellement enceinte!
20.18 Pourquoi suis-je sorti du sein maternel Pour voir la souffrance et la douleur, Et pour consumer mes jours dans la honte? »
Ce passage est d’une telle violence! Il est impossible d’attribuer cela à un prophète. Il m’est arrivé de nombreux moments de désespoir et je peux penser et dire des choses dures, mais là, c’est d’un tout autre registre. C’est une déclaration satanique! Retranscrite, enseignée, et validée comme parole authentique. Je ne vais pas m’étendre sur le sujet, car selon moi le titre de cet article se suffit à lui-même. De prendre cette parole tirée de la bouche d’un ennemi du Créateur, comme un enseignement divin, place implacablement celui qui se présente comme croyant aux yeux du monde, comme dans une compétition victimaire. C’est vraiment la chose la plus vile qui soit.
Celui qui instrumentalise le rôle de victime finit tôt ou tard vers le bourreau par assumer sa transition.
Paix sur Jérémie, paix sur Ésaïe, paix sur les prophètes et paix sur les âmes de bonne volonté…
et Quenël sur les autres!