mercredi 24 avril 2024

Pessa’h

Il est préférable de lire l’article précédent afin d’aborder au mieux celui-ci:
https://www.stephanpain.com/2023/04/06/cinq-gens-du-doigt/

Il est, à mon sens, primordial d’opérer la déconstruction entièrement. Ce n’est qu’à ce prix, que l’on peut envisager le futur. Avant d’aborder le sujet de cet article, faisons un récapitulatif de ce que nous avons vu précédemment. Le rite eucharistique s’inscrit dans un renouveau de la foi d’Israël. L’évangile parle d’accomplissement des écritures. A ce rite est venu s’accoler le mythe de la résurrection destiné à le parasiter. La nouvelle Paques, celle célébrée par les chrétiens, même si elle accorde une place importante à l’instauration de l’eucharistie, n’en demeure pas moins centrée autour du dimanche de la prétendue résurrection. Si cette dernière ne semble pas affecter le rite eucharistique, elle possède un impact non négligeable sur la foi de ceux qui l’établissent. La foi ne peut être complète que dans la Vérité. Il n’y a pas de compromis en la matière.
La résurrection a été voulue par une secte au culte caché et élitiste. Cette secte a fondé sa doctrine sur des connaissances magiques issues de l’antique religion égyptienne. La résurrection était le coeur de cette ancienne doctrine. La particularité de cette secte est qu’elle est obsédée par la Révélation. Elle ne se définit que par elle, contre elle. Un événement majeur comme la venue du Messie, c’est comme tout le monde l’a bien compris, synonyme d’une revivification de la foi inversée de ses adeptes. Et ces derniers savent se servir des écritures. Dans les tentations au désert, nous avons un bon aperçu de la capacité du diable à détourner les écritures afin de tenter les hommes. Ces tentations n’ont de prise que sur ceux dont le coeur est malade d’hypocrisie ou d’orgueil. L’actrice principale de cette mystification était la dame en rouge. Elle possédait le charisme et la beauté qui lui ont servi pour duper les foules. Seuls ceux qui étaient fermement accrochés aux écritures et qui ont donc suivi l’accomplissement de la Pâque dans son entièreté, ont empêché le levain du mensonge de s’introduire dans la maison de leur foi durant les 7 jours qui ont suivi la Passion.
De même, le respect de l’interdiction de la consommation du sang a évité de commettre l’erreur de boire le vin. Mais cette erreur ne pouvait affecter les Apôtres. C’est une modification beaucoup plus tardive. En effet, le livre des Actes, dans son chapitre 15, nous décrit l’assemblée qui eu lieu à Jérusalem aux environs de l’an 50. Il est question de la cohabitation des disciples de diverses origines. Voici ce qui est décidé afin de résoudre les problèmes posés:

15.19 C’est pourquoi je suis d’avis qu’on ne crée pas des difficultés à ceux des païens qui se convertissent à Dieu, 15.20 mais qu’on leur écrive de s’abstenir des souillures des idoles, de l’impudicité, des animaux étouffés et du sang.

Constatons que l’interdiction du sang est toujours en vigueur à ce moment là pour tout le monde. Si le vin est considéré comme sang après consécration, il ne peut donc pas être consommé. Il s’agit d’un point théologique majeur.

Ces points abordés, il nous reste un élément de taille: l’établissement d’un sacerdoce.
Par la théorie, nous en avions déduit que le sacerdoce était une anomalie pour l’eucharistie. Nous avons tout d’abord, le schéma du Miskan:

La loi de la Torah codifie essentiellement les sacrifices effectués sur le parvis. Les sacrifices sont physiques et sont donc transférés symboliquement sur des animaux. Nous sommes dans la partie Corps du Temple.
En progressant vers l’ouest, nous passions le premier voile. La voie du nord est celle de la table des pains: c’est donc celle de l’eucharistie. D’une manière un peu abusive, pour recoller au vocabulaire en vigueur chez les exégèses, j’avais nommé celle-ci la voie deutéronomique. Non pas qu’il s’agirait d’une deuxième loi à coté de celle de la Torah, mais plutôt une voie orientée dans l’esprit, complémentaire à la voie sacerdotale. Nous pourrions tout aussi bien la nommer voie prophétique. L’esprit est supérieur à la lettre: la voie de l’esprit est donc plus au nord que la voie sacerdotale.
La voie du sud, la voie de la lettre de la Loi, la voie sacerdotale, est symbolisée par les lumières de la Ménorah: ce sont les lumières des temps de prières qui rythment la journée du croyant.
Ces deux voies se complémentent pour travailler l’âme des croyants. Partie Âme du Temple.
Si les deux voies sont scindées en deux religions apparemment incompatibles, c’est parce que leur fusion n’a pas encore été accomplie.
Passons le deuxième voile, et nous voilà dans le Saint des saints. Lieu de l’Esprit du Temple. Il appartient entièrement à Dieu. Matérialisé par la Kaaba pour les musulmans. Le Tabernacle pour les chrétiens.

Dans un article précédent, nous avons vu que le Kohen gadol Eli était lié à l’Arche, matérialité de la Loi au sein du Miskan. Ali est l’héritier d’Eli, paix sur eux. Nous avons donc la confirmation que la voie sacerdotale est bien liée à la voie musulmane.
Mais tout cela n’est que de la théorie et de la déduction. Nous allons aborder la question de manière scripturaire. Entrons dans le vif du sujet.

En faisant entrer l’accusée, nous comprenions que la conséquence sur le long terme était l’introduction d’un livre de loi à coté de la Torah. Celui-ci est nommé Deutéronome, comme deuxième loi. Or, il n’y a qu’une loi. Mais cette introduction n’est pas une fin en soi, elle doit servir un projet. Lorsque j’emploie le terme, je parle de voie deutéronomique, c’est à dire prophétique, ce qui est différent.
Quel était le projet porté par le roi Js qui a introduit ce livre? A vrai dire, en dehors de flatter son égo, difficile de répondre à la question. Le diable, qui a suggéré cela, avait bien compris l’enjeu de modifier la Loi de Dieu.
Voici la description du funeste jour où ce livre est arrivé:

23.1 Le roi Js fit assembler auprès de lui tous les anciens de Juda et de Jérusalem.
23.2 Puis il monta à la maison de l’Éternel, avec tous les hommes de Juda et tous les habitants de Jérusalem, les sacrificateurs, les prophètes, et tout le peuple, depuis le plus petit jusqu’au plus grand. Il lut devant eux toutes les paroles du livre (le livre du Deutéronome) de l’alliance, qu’on avait trouvé dans la maison de l’Éternel .

L’adversaire avait bien compris que l’événement fondateur de la libération d’Israël était Pessa’h. Or, la commémoration de Pessa’h est codifiée dans la Loi. Vous avez compris où nous allons.
Voici le passage de la parasha Bo:

12.2 Ce mois-ci sera pour vous le premier des mois; il sera pour vous le premier des mois de l’année.  12.3 Parlez à toute l’assemblée d’Israël, et dites: Le dixième jour de ce mois, on prendra un agneau pour chaque famille, un agneau pour chaque maison. 12.4 Si la maison est trop peu nombreuse pour un agneau, on le prendra avec son plus proche voisin, selon le nombre des personnes; vous compterez pour cet agneau d’après ce que chacun peut manger. 12.5 Ce sera un agneau sans défaut, mâle, âgé d’un an; vous pourrez prendre un agneau ou un chevreau. 12.6 Vous le garderez jusqu’au quatorzième jour de ce mois; et toute l’assemblée d’Israël l’immolera entre les deux soirs. 12.7 On prendra de son sang, et on en mettra sur les deux poteaux et sur le linteau de la porte des maisons où on le mangera.

Ce texte est donc remplacé par:

Dt 16.5 Tu ne pourras point sacrifier la Pâque dans l’un quelconque des lieux que l’Éternel, ton Dieu, te donne pour demeure; 16.6 mais c’est dans le lieu que choisira l’Éternel, ton Dieu, pour y faire résider son nom, que tu sacrifieras la Pâque, le soir, au coucher du soleil, à l’époque de ta sortie d’Égypte.

Et voici la description du moment de l’entrée en application de ce nouveau décret satanique:

2 Roi 23.21 Le roi donna cet ordre à tout le peuple: Célébrez la Pâque en l’honneur de l’Éternel, votre Dieu, comme il est écrit dans ce livre de l’alliance (le Deutéronome).
23.22 Aucune Pâque pareille à celle-ci n’avait été célébrée depuis le temps où les juges jugeaient Israël et pendant tous les jours des rois d’Israël et des rois de Juda.
23.23 Ce fut la dix-huitième année du roi Js qu’on célébra cette Pâque en l’honneur de
l’Éternel à Jérusalem.

Le texte reconnait qu’il s’agit là d’une innovation et s’en enorgueillit. Le diable pêche toujours pas excès d’orgueil. Avec le temps, il apprend de ses erreurs, et parvient à ne pas le laisser paraîtrer, mais il faudra qu’il l’exprime d’une manière ou d’une autre.
Et voici la description du rite durant la période du second Temple:

« L’agneau pascal était abattu en trois groupes […] Lorsque le premier groupe entrait et que la cour du Temple était remplie, on fermait les portes du Temple. Une tekia (longue sonnerie), une teroua (sonnerie saccadée) et une tekia étaient sonnées par le chofar. Les prêtres se tenaient en rang, avec des bassines d’argent et des bassines d’or en main […] Un Israélite abattait son offrande et les prêtres recueillaient le sang. Le prêtre passait la bassine à son collègue et son collègue à son collègue, chacun recevant une bassine pleine et rendant une bassine vide. Le prêtre le plus proche de l’autel jetait le sang à la base de l’autel. Pendant la réalisation de ce rituel, les Lévites chantaient le Halle… »

La modification majeure est que le rite n’est plus familial, mais centralisé au Temple et encadré par des autorités agréés par le pouvoir. C’est tout la philosophie de la libération d’Egypte, donc de l’oppresseur, qui est modifiée. Quand l’esprit du monde s’empare des gens du Temple, plus aucun rite ne permet de s’en affranchir à partir de ce moment là. Le Temple devient un outil d’oppression.
Bien sur, les sacrifices étaient centralisés au Temple. Mais Pessa’h n’est pas un sacrifice comme les autres. Il n’est pas destiné à expier les péchés du fidèle, mais à commémorer un acte fondateur commun. De plus, il est couplé avec la semaine sans levain. Je pense que nous pouvons saisir là tout l’enjeu du projet du diable: déconnecter le sacrifice pascal de la fête des azymes. Car cette dernière ne peut être centralisée au Temple, elle est typiquement familiale, centrée autour de la femme qui tient son foyer. Nous pouvons aussi percevoir le projet de détourner l’homme de son rôle de sacrificateur au sein du foyer. Cela participe de la volonté d’asservissement.
Je me permets d’ajouter que la virilité n’est pas synonyme d’exaltation de la violence.
Un autre détail disparaît: la possession de l’animal du 10 au 14 du mois.  Il s’agit ici d’une prophétie: Le Messie entre triomphalement dans la cité le 10 du mois. Il est en quelque sorte, accueilli dans les foyers du peuple.
Il est sacrifié dans la journée du vendredi 15. Soit entre les deux soirs, ceux du 14 et du 15. Dans le calendrier liturgique, les jours commencent à la tombée de la nuit. Dans le Dt, il est mentionné le soir du 14, ce qui détruit la prophétie.

Le sacrifice pascal commémorait la sortie d’Egypte, donc l’affranchissement des passions de ce monde. Le Messie a accompli ce sacrifice, qui devenait celui de son corps, puisque les passions avaient pris possession de l’outil d’émancipation. Tous ceux qui l’ont suivi ont accepté de se sacrifier.
C’est ainsi que le responsable du foyer, l’homme de la maison, se sacrifie pour celui-ci.
Dans l’Islam, le sacrifice fait en famille est celui qui vient conclure le mois de jeûne du Ramadhan. L’objectif est de s’émanciper de ses contraintes physiques. Le sacrifice n’est pas une obligation. C’est le jeûne en lui-même qui est le sacrifice. Le sacrifice d’un animal n’est là que pour être un marqueur.
La structure de la célébration chrétienne est d’ailleurs la même: la Cène est commémorée à la fin d’un jeûne de 40 jours nommé le Carême. La nature profonde de chaque voie se traduit par l’importance accordée à la longue période face à la fête, ainsi que par quel acte rituel sert l’autre.
Pour donner une nouvelle dimension à ce rite, au passage du second voile, le sacrifice du Messie doit donc se situer dans la dimension de l’âme. Ceux qui le suivront, consentiront à ce même sacrifice. L’histoire est à écrire.

En conclusion, la conséquence majeure du fait que le sacrifice pascal se fasse en famille, est que la présence sacerdotale disparaît. Le rite eucharistique, comme accomplissement du rite du sacrifice de Pessa’h, ne requiert donc pas de caste sacerdotale.

Ce qu’il fallait démontrer.

Paix sur vous.