vendredi 26 avril 2024

Relever le peuple

22 minutes de lecture

Ne souhaitant pas me convertir au judaïsme, je me dois de rectifier cet article.
Peu de temps avant de quitter ce monde dans les années 2000, un rav centenaire laissa une note qui ne devait être ouverte qu’après sa mort. Le message central était traduit ainsi: « Il va soulever le peuple et confirmer que sa parole et sa Loi sont valides ». Les initiales des mots  (acronyme) de cette phrase en hébreu forment le mot יהושוע Yehoushoua ou plus justement nous traduirions par Yahoussou’a. Lorsque la lettre fut ouverte, les gens hurlèrent au mensonge. Comment un rabbin considéré parmi les plus grands de sa génération peut-il léguer cette information? Ce serait un piège des juifs messianiques.
Au départ, cela semblait plutôt cohérent et vu que cela allait à l’encontre de sa propre communauté, cela  conférait à ce texte une certaine légitimité.

Et puis, j’ai ressenti qu’il y avait là un problème. Soulever le peuple: nous pouvons préférer relever, dans le sens de guider les gens vers la vérité.
Là où cela devient plus problématique, c’est le terme « sa parole ». La Parole appartient au Créateur. Quant à la loi, il est fait ici mention de la Torah. En hébreu le terme Torah s’étend à la loi et aux enseignements, mais ce n’est pas cela qui pose problème. Car il s’agit à présent de confirmer la loi du Coran, donc celle de Muhammad, paix sur lui.
On peut donc conclure qu’il s’agit d’un faux, mais pas dans le sens perçu par les rabbins.
Tant pis pour ceux à qui cela a pu procurer une fausse joie.

Par opposition, quelques années plus tard, un autre homme mourut.  C’est un américain d’origine pakistanaise qui se présentait comme un musulman pieux qui s’est converti à la foi évangéliste. Il fit carrière à prêcher sur les écritures afin de déconstruire l’Islam  devant un auditoire acquis à sa cause et peu enclin à vérifier ses dires. Un bel homme, fin orateur, apparaissant comme respectueux de ses interlocuteurs, patient, il rencontre un succès certain outre-Atlantique. Certaines vidéos font plusieurs millions de vues, avec une cohorte de commentaires élogieux. Carrière qui fut relativement courte cependant, puisqu’il mourut dans sa trentaine d’un cancer foudroyant, provoquant un choc dans le monde de l’internet chrétien. Considérant ces deux cas extrêmes, l’age n’est donc pas un critère de légitimité.

Il traite d’un passage très précis de l’évangile de Marc en affirmant qu’il s’agit là du point de convergence de tout le livre: celui où le Messie dévoilerait sa .ivinité. Si il a eu autant de succès, alors prenons le fait comme avéré selon l’interprétation chrétienne classique.
D’ailleurs, nous allons le voir, le Kohen gadol semble plutôt d’accord avec lui puisque ce moment marque le point de rupture.

14.55 Les principaux sacrificateurs et tout le sanhédrin cherchaient un témoignage contre Jésus, pour le faire mourir, et ils n’en trouvaient point;
14.56 car plusieurs rendaient de faux témoignages contre lui, mais les témoignages ne s’accordaient pas.
14.57 Quelques-uns se levèrent, et portèrent un faux témoignage contre lui, disant:
14.58 Nous l’avons entendu dire: Je détruirai ce temple fait de main d’homme, et en trois jours j’en bâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d’homme.
14.59 Même sur ce point-là leur témoignage ne s’accordait pas.
14.60 Alors le souverain sacrificateur, se levant au milieu de l’assemblée, interrogea Jésus, et dit: Ne réponds-tu rien? Qu’est-ce que ces gens déposent contre toi?
14.61 Jésus garda le silence, et ne répondit rien. Le souverain sacrificateur l’interrogea de nouveau, et lui dit: Es-tu le Christ, le Fils du Dieu béni?
14.62 Jésus répondit: Je le suis. Et vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance de Dieu, et venant sur les nuées du ciel.
14.63 Alors le souverain sacrificateur déchira ses vêtements, et dit: Qu’avons-nous encore besoin de témoins?
14.64 Vous avez entendu le blasphème. Que vous en semble? Tous le condamnèrent comme méritant la mort.

Le prédicateur affirme qu’il s’agit là d’une preuve .rinitaire. Ce ne serait pas parce que le Messie se présente comme Messie qu’il est condamné mais parce qu’il aurait affirmé être le fils de Dieu.
Le souci ici, c’est qu’il ne s’agit pas d’une conversation profane. L’homme qui parle est le Kohen gadol et sa parole est codifiée. Même si dans l’absolu cette scène le délégitime dans sa fonction, il n’en demeure pas moins qu’il assume sa fonction et observe des règles précises en tant que porte-parole de l’assemblée. Les mots qu’il prononce ne peuvent donc pas être blasphématoires. Si il dit « fils du Dieu béni », c’est que cette expression est correcte du point de vue de la Loi.
Il s’agit bien d’un conflit d’autorité. Mais le contexte implique une réaction ferme et immédiate. La Torah punit de mort celui qui se présente comme faux prophète. Messie, c’est encore plus grave.

Ensuite l’homme rappelle que « assis à la droite de Dieu » rapporte au psaume 110. Cela est vrai et nous l’avons vu dernièrement. Mais on ne peut conclure au concept .rinitaire.

Enfin, nous allons nous pencher d’avantage sur la dernière partie: venant sur les nuées du ciel.

L’homme indique que cela fait référence à Daniel 7. Le début du chapitre est un récit apocalyptique où il est question de 4 bêtes. La fin explicite le début. Voici le centre:

Je regardai, pendant que l’on plaçait des trônes. Et l’ancien des jours s’assit. Son vêtement était blanc comme la neige, et les cheveux de sa tête étaient comme de la laine pure; son trône était comme des flammes de feu, et les roues comme un feu ardent. 10 Un fleuve de feu coulait et sortait de devant lui. Mille milliers le servaient, et dix mille millions se tenaient en sa présence. Les juges s’assirent, et les livres furent ouverts.

Il s’agit d’une vision. Daniel, paix sur lui, ne voit pas le Créateur tel qu’il est réellement car il est encore vivant, mais une image acceptable pour son esprit. Ceci afin qu’il puisse rapporter les enseignements et qu’ils nous parviennent. Il est clairement question du  jour du jugement.
Jugement de la Torah ou du Coran? Les évangiles répondent à cette question: Et vous verrez indique qu’il s’agit du futur. Bien sur, personne ici-bas ne verra le Messie comme si il siégeait à la droite de Dieu. Il s’agit bien de la seconde Venue comme « bras armé » ici-bas.

11 Je regardai alors, à cause des paroles arrogantes que prononçait la corne; et tandis que je regardais, l’animal fut tué, et son corps fut anéanti, livré au feu pour être brûlé. 12 Les autres animaux furent dépouillés de leur puissance, mais une prolongation de vie leur fut accordée jusqu’à un certain temps.

Voici la partie qui contient les éléments décisifs:

13 Je regardai pendant mes visions nocturnes, Et voici, sur les nuées des cieux arriva quelqu’un de semblable à un fils de l’homme; il s’avança vers l’ancien des jours, et on le fit approcher de lui.14 On lui donna la domination, la gloire et le règne; et tous les peuples, les nations, et les hommes de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit.

Avant de mener une étude, rappelons en parenthèses l’une des tentations aux déserts qui apporte une réponse claire et pourtant non prise en compte dans la théologie chrétienne classique:

Le diable l’emmène encore sur une très haute montagne et lui montre tous les royaumes du monde et leur gloire. Il lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si, tombant à mes pieds, tu te prosternes devant moi.» Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! car il est écrit : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte. »

Le prédicateur en citant ce passage de Daniel et en mimant la scène avec ses bras, décrit un personnage qui descend du ciel vers la représentation du Créateur en vieil homme. C’est une vision, je le rappelle.
Ah bon? Mais où est-il mentionné qu’il descend? Il monte. Tout simplement.  Après tout, du point de vue divin, les cieux ne sauraient être positionnés au-dessus. Et c’est ainsi pour tous les justes au moment décidé par le Créateur.

Il poursuit en disant: Qui se fait servir au ciel sinon Dieu?
Malheureusement, je crains que nous n’ayons pas la même version de Bible. Car tout ce que je lis, c’est qu’il s’agit d’hommes. A ce que je sache, les hommes des nations ne sont pas au ciel. Quant au personnage, dans le contexte de cette analyse, nous savons qu’il va en descendre.
Domination, gloire, règne?
Derrière domination se cache le mot Sholtan. Nous reconnaissons le terme sultan. Terme utilisé dans le Coran pour décrire l’autorité conférée à Abraham, paix sur lui, par exemple.
Règne est malkuw. Gloire est yeqar. Nous retrouvons ces termes ici deux chapitres plus tôt:

Daniel 5 : 18 O roi, le Dieu suprême avait donné à Nebucadnetsar, ton père, l’empire (Malkuw), la grandeur, la gloire (yeqar) et la magnificence;

Il s’agit d’un roi polythéiste. En réalité, il serait plus correct de traduire yeqar par honneur ou estime. Ce n’est clairement pas une invitation à l’adoration. Il ne m’a pas fallu un travail d’érudit pour parvenir à cette conclusion.

Enfin, il reste « servirent ». Il est vrai que le terme est plutôt utilisé pour le Créateur. Le rabbinat traduit ainsi:

l’ensemble des nations, peuples et langues lui rendaient hommage

Ce sens est bien plus correct et ne donne pas des idées extravagantes. Mais il convient d’aller plus loin. Voici le texte en phonétique:

wakol ‘ammaya ummaya walisanaya leh yipleHun saltaneh saltan ‘alam di la yedeh wamalkuteh di la tithabal

et tous les peuples, les nations, et les hommes de toutes langues le servirent.
Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit.

Nous reconnaissons le mot Ummah. Ainsi que lisāni, langue. Le terme qui est le noeud du problème est « leh yipleHun ». Si l’on se réfère au glossaire biblique, il s’agit de servir au sens de serviteur du Créateur. L’hébreu moderne ne nous éclaire pas plus. Il nous faut nous tourner vers l’arabe. La raison est simple: le livre de Daniel, paix sur lui, est beaucoup plus tardif que la Torah et a été rédigé en hébreu et en araméen. Le terme qui nous préoccupe n’est donc pas hébraïque mais a été retranscrit tel quel en hébreu car il existe aussi dans cette langue sous un autre sens. Il convient alors de transposer lettre à lettre (le Pé se prononce F ou P en hébreu).

Yod devient Ya, Pé/Fe =>Fa, Lamed=>Lam, Het =>Ha, Vav=>Wa, Nun=>Nun

לֵהּ יִפְלְחוּן  <=>  لَهُ يُفْلِحُونَ

C’est à dire: lahu yufliHuna
De « vers lui » leh/lahu devient « pour lui ».
Et nous pouvons découper la phrase autrement. La traduction devient:

Et tous les peuples, les nations, et les hommes de toutes langues, pour lui, feront triompher son autorité.
Une autorité éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit.

Voilà qui est fort mieux, chacun en conviendra.  Cela n’enlève pas que le meilleur moyen de rendre hommage à un serviteur de Dieu, est de s’affranchir de ses idoles  en suivant son exemple. L’objectif est de s’élever tous ensemble. Relever le peuple. Au moins, nous aurons pu tirer quelque chose de positif de cette note traitée en début d’article.
L’affaire semble conclue. Et personne ne déchirera son vêtement.

Malgré les conseils pour m’inviter à la vidéo, je préfère le texte modifiable à volonté.
C’est de cette manière que je peux dire de façon un peu abusive je l’accorde, mais la métaphore est plutôt plaisante, que nous restons en contact sur…

… le nuage du Ciel.

L’infonuage comme dirait nos amis québécois.

Finir ici était plutôt sympathique, mais me voilà contraint de poursuivre. nous allons quitter la Bible et recoller avec un autre article: La Vache jaune et brillante. Voilà nos vaillants GJ qui filent la métaphore.
https://www.stephanpain.com/2018/11/30/al-baqaratoun-safra-la-vache-jaune/
Reprenons à ce point coranique:

2.71. – Il dit: «Allah dit que c’est bien une vache qui n’a pas été asservie à labourer la terre ni à arroser le champ, indemne d’infirmité et dont la couleur est unie». –
Ils dirent: «Te voilà enfin, tu nous as apporté la vérité!»
Ils l’immolèrent alors mais il s’en fallut qu’ils ne l’eussent pas fait.

Abordons les deux prochains versets:

72. Et quand vous aviez tué un homme et que chacun de vous cherchait à se disculper!
Mais Allah démasque ce que vous dissimuliez.
73. Nous dîmes donc: «Frappez le tué avec une partie de la vache».
Ainsi Allah ressuscite les morts et vous montre ses signes afin que vous raisonniez.

Munis de notre clef de lecture, il devient beaucoup plus simple de décoder. 72. Le tué dont chacun tente de se disculper c’est le Messie. La Seconde Venue c’est le moment de démasquer les responsables. On peut aussi tuer le souvenir de quelqu’un en le trahissant. Et là, aucune communauté monothéiste n’est épargnée.
73. iḍ’ribūhu est traduit par frappez. Libérer/délivrer me semble plus juste. La Vache, à l’image du peuple d’Israêl qui quitte l’Egypte est un ensemble hétérogène qui rassemble en son sein des gens qui sont hostiles à la Révélation. Ce n’est donc qu’une partie de la Vache, celle des véritables disciples du Messie, qui sont à même de le libérer, c’est à dire de libérer sa parole. Nous sommes bien au moment de la Résurrection tel que nous l’avions expliqué ici:
https://www.stephanpain.com/2015/12/06/resurrection/

Si nous pouvons être optimiste jusque là, il convient de garder la tête froide. La suite est moins plaisante:

74. Puis, et en dépit de tout cela, vos cœurs se sont endurcis; ils sont devenus comme des pierres ou même plus durs encore; car il y a des pierres d’où jaillissent les ruisseaux, d’autres se fendent pour qu’en surgisse l’eau, d’autres s’affaissent par crainte d’Allah. Et Allah n’est certainement jamais inattentif à ce que vous faites.

Nous comprenons que, malgré les événements à venir, il y aura toujours des négateurs. N’allons pas plus loin dans l’analyse. Il sera toujours temps de prolonger ultérieurement. Pour l’instant, un rude combat nous attend.
Cet article s’achève sur l’annonce d’une victoire si on en sort par le nuage au-dessus.

Paix sur vous.

75. – Eh bien, espérez-vous que des pareils gens  vous partageront la foi? alors qu’un groupe d’entre eux, après avoir entendu et compris la parole d’Allah, la falsifièrent sciemment.
76. Et quand ils rencontrent des croyants, ils disent: «Nous croyons» et, une fois seuls entre eux, ils disent: «Allez-vous leur confier ce qu’Allah vous a révélé pour leur fournir, ainsi, un argument contre vous devant votre Seigneur! Etes-vous donc dépourvus de raison?».
77. – Ne savent-ils pas qu’en vérité Allah sait ce qu’ils cachent et ce qu’ils divulguent?
78. Et il y a parmi eux des illettrés qui ne savent rien du Livre hormis des prétentions et ils ne font que des conjectures.
79. Malheur, donc, à ceux qui de leurs propres mains composent un livre puis le présentent comme venant d’Allah pour en tirer un vil profit! – Malheur à eux, donc, à cause de ce que leurs mains ont écrit, et malheur à eux à cause de ce qu’ils en profitent!
80. Et ils ont dit: «Le Feu ne nous touchera que pour quelques jours comptés!». Dis: «Auriez-vous pris un engagement avec Allah – car Allah ne manque jamais à Son engagement; – non, mais vous dites sur Allah ce que vous ne savez pas».
81. Bien au contraire! Ceux qui font le mal et qui se font cerner par leurs péchés, ceux-là sont les gens du Feu où ils demeureront éternellement.

82. Et ceux qui croient et pratiquent les bonnes œuvres, ceux-là sont les gens du Paradis où ils demeureront éternellement.