samedi 27 avril 2024

Sabbat

Avant d’introduire réellement cet article, il me parait important d’apporter quelques précisions concernant l’article précédent. Il ne contient à dessein qu’une photo qui a été complétée par une phrase seulement quelques jours plus tard. Cette photo comme sa date l’indique, a été prise quelques minutes après une soirée haute en couleur. Pour savoir quelle était la nature de cette soirée de dimanche, je vous invite à consulter le programme paroissiale de ma ville. Vous constaterez que nous sommes une commune privilégiée. Si j’avoue ne pas avoir bien saisi la pertinence d’établir une semaine de la joie durant le Carême, reconnaissons que cet évènement ne s’inscrivait pas exactement dans une quête de la joie intérieure. (petite précision: selon la tradition, durant le Carême, les dimanches ne doivent pas être jeûnés, mais ce n’est pas pour autant que le culte est normal. L’orgue n’est pas joué par exemple. Une exception cependant: le 4ème dimanche (10 mars 2024) où la joie doit être manifestée) Ou bien le but était de constituer un témoignage sur son propre état de joie. La véritable joie consiste à laisser le Créateur s’exprimer à travers son âme. Lorsque l’ennemi tente d’engager le combat sur son terrain en usant des mots, alors il convient de demeurer tourné vers le Ciel et de laisser le Silence divin remporter la partie.

Nous avons rappelé les trois premiers Commandements récemment. Il me parait judicieux d’aborder la question du quatrième.

Le quatrième Commandement, le Sabbat, si on le comprend bien, est placé à cet endroit pour une excellente raison. Les fils d’Israël, 32 siècles plus tard, le pratiquent toujours avec assiduité. Il est l’un des fondements de la foi dans la Torah et un marqueur dans la chair de l’attachement à la nation qui lui est fidèle. Nous retrouvons sa mention tout le long du Livre. Il se trouve que l’article wiki qui lui est consacré est fort bien rédigé. Je vous invite donc à le consulter pour plus de détails. Je vais donc m’employer à présenter le sujet selon mon point de vue.

Dans la Torah

Le Sabbat est instauré à un moment très particulier de la Révélation. Les fils d’Israël sont au désert, et ils souffrent de la faim. C’est alors que des cailles tombent du ciel et que le sol se couvre de la manne. Voilà une nourriture qui, si elle est simple et invariable, a le mérite de ne réclamer que l’effort de se baisser pour la ramasser. Mais il y a une condition particulière à cette dépendance alimentaire directe au Créateur, le respect scrupuleux du repos du Sabbat. En effet, le vendredi, la manne est doublée en vue d’être consommée le lendemain seulement. Vous devez lire le chapitre 16 du livre de l’Exode. Je retiens cependant ceci:

Ex 16.23 Et Moïse leur dit: C’est ce que l’Éternel a ordonné. Demain est le jour du repos, le sabbat consacré à l’Éternel; faites cuire ce que vous avez à faire cuire, faites bouillir ce que vous avez à faire bouillir, et mettez en réserve jusqu’au matin tout ce qui restera.

Le Sabbat, si il met l’accent sur le repos, semble accorder une grande importance au rapport de l’homme à la nourriture. Depuis cette Révélation, le sujet a été disséqué et il l’est encore. Comme pour la question du Nom, la position présentée au croyant est assez radicale. Reconnaissons que le commandement initial était assez radical puisque que la punition était la mort. De peur de voir le commandement contourné, il a donc été sérieusement verrouillé. Cela peut se comprendre. Vous savez comment sont les hommes. Il suffit parfois d’un léger flou pour qu’ils s’y engouffrent et dénaturent les commandements. A notre époque, sur une chaine populaire d’enseignements, j’avais vu un sketch autour de l’interdit de l’électricité. Un homme, habitant en ville dans une résidence occidentale, souhaitait simplement sortir de chez lui. Terrorisé à l’idée d’appuyer sur l’interrupteur commandant la porte d’entrée, il tentait vainement de se cacher pour jaillir derrière un de ses voisins afin de profiter de l’ouverture de la porte, le plaçant dans une position plutôt risible. Reconnaissons une certaine auto-dérision de la part de nos amis les rabbins. Mais il ne me semble pas, dans la perspective d’une quête de la maturité dans la foi, de réduire la pratique du Sabbat à une succession de ruses techniques afin de la faciliter. La seule ruse qui vaille est celle qui émane de l’intelligence. Il apparait clair, qu’il est essentiel de percevoir la volonté qui émane du Créateur afin d’appliquer ce commandement dans l’Esprit.

Évangile

Les évangiles abordent la question du Sabbat de nombreuses fois. Les littéralistes, dans leur démarche de cocher des cases afin de déterminer si ils doivent oui ou non suivre le personnage qui se présente à eux comme le Messie,  veulent à tout prix déterminer si celui-ci coche la case du Sabbat. Simplifiant au maximum la pensée à ce sujet, toute action invalide la légitimité du Messie potentiel. Certains se rassurent comme ils le peuvent. Des guérisons sont opérées en ce jour et scandalisent les littéralistes. Je ne vais pas vous faire l’offense de vous rappeler ces passages.  Néanmoins, citons cette phrase qui résume la question:

Mc 2.27 Puis il leur dit: Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat, 2.28 de sorte que le Fils de l’homme est maître même du sabbat.

Le Sabbat sert l’homme car il lui accorde un jour de repos dans son labeur. Il empêche les exploiteurs de contraindre ceux qui travaillent pour eux de les tuer à la tâche sans jour de repos. Mais également, d’empêcher les drogués du travail, c’est un phénomène non négligeable en entreprise et tout aussi néfaste, de sacrifier leur santé et/ou leur vie de famille. Ce principe a d’ailleurs été institué par les régimes politiques laïques. C’est dire l’importance de ce commandement, même dans sa version dépouillée de la foi, au sein de la société humaine. C’est avant tout en ce sens qu’il faut respecter le Sabbat. Si le respecter consiste à transformer la vie du croyant en cauchemar, à le stresser plus que de raison, le Sabbat devient de fait, contre-productif. La deuxième partie du verset introduit le concept de « fils de l’homme ». Rappelons que le fils de l’homme, est l’homme qui a atteint un certain niveau de sagesse. Je vous renvoie à l’article « avant qu’Abraham fut, je suis ». C’est dans la sagesse que le Sabbat doit être appliqué. Une vraie sagesse pas une sagesse d’apparence.

Ceci étant dit, penchons-nous à présent sur la question du passage du jour du samedi à celui du dimanche. C’est un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre. A notre époque, des sectes chrétiennes ont jugé pertinent de s’inscrire en opposition à l’Église et de revenir au samedi pour marquer le jour du repos consacré au Seigneur. Si l’on se réfère au livre des Actes des Apôtres, et vous connaissez la réserve que j’émets à son encontre, on peut constater une chose: le Sabbat y est mainte fois mentionné. Certains donc, se réclamant d’une démarche de retour aux écritures, affirment se placer dans les pas des premiers chrétiens en adoptant le samedi. Après consultation, il m’apparait que si le Sabbat est si souvent mentionné, c’est tout simplement que dans une démarche d’évangélisation, les disciples de l’apôtre des gentils, comme il se présente lui-même, vont à la rencontre des croyants le jour où ils ont le plus de chance d’en trouver. De même, dans la volonté de discerner le respect de la Loi par ce même apôtre, il est rapporté les nombreuses fois où celui-ci affirme à son auditoire sa fidélité. Il apparait clair que le livre des Actes, bien loin d’être une chronique neutre des premiers temps, s’avère être un livre de propagande construit autour de sa personne. Il s’agit de construire une légende. Cette légende va crescendo. Les dernières pages n’hésitent pas à nous rapporter des récits de résurrection. Rien moins que ça. Rappelons que de tels miracles sont très rares dans l’entièreté du corpus biblique. Ce n’est tout simplement pas crédible. Si ces récits ont pu constituer de l’argumentation pour convaincre des communautés de croyants d’adhérer à la foi pervertie de l’apôtre des gentils il y a 20 siècle, ce n’est plus le cas pour les fils de l’homme. Fin du débat.

La Passion est l’accomplissement de la Torah. La Cène constitue l’acte fondateur du christianisme. Je livre une interprétation alternative à la résurrection. (voir l’article Résurrection) Cette résurrection est le marqueur de l’accomplissement. Il est donc normal que dans le cadre de cet accomplissement, le Sabbat mute en jour du Seigneur et que celui-ci soit le dimanche. Non, ce n’est pas l’Ordre qui a comploté. C’est bel et bien la communauté des croyants qui a mené une trajectoire messianique. Si les chrétiens appartiennent aux gens du Livre, il n’en demeure pas moins que leur Loi n’est pas révélée et est le fruit d’une élaboration dans l’Esprit. C’est un lent processus. Les erreurs sont voulues par l’Esprit. Nous avions traité ce point théologique dans « les Trois reniements et le chant du coq ». Les reniements faisaient parti du « programme ». En clair, le schisme était le prix à payer. Il fallait dissocier les communautés de la Loi et de la Foi afin de faire travailler chaque matière durant des siècles de manière indépendante. Constatons, tout de même, après tout ce temps, que les chrétiens ont du mal à suivre le peu de commandements dont ils ont hérités. Il ne me semble pas que ce soit la sagesse qui les conseille lorsqu’en sortant de la messe, ils se dirigent vers une boulangerie pour acheter le pain dominical. Si eux ne travaillent pas, ce n’est pas le cas du boulanger. Se reposer soi-même et compter sur les mécréants, ou sur les croyants qui ne respectent pas le repos, est une forme d’hypocrisie. Je vous laisser méditer sur le sujet et trouver d’autres exemples.

Coran

Si nous avons tranché sur la question du Sabbat dans la Torah à l’aide de l’évangile, nous pouvons à présent trancher sur la question du jour du Seigneur dans l’évangile grâce au Coran. Le Coran aborde le sujet en une poignée d’occasion. Il enseigne qu’il s’agit d’un commandement strict qui ne doit pas être contourné. Ceci étant dit, voici la réponse à la scission entre les deux communautés:

16.123  Puis Nous t’avons inspiré : « Suis la religion d’Abraham, pur monothéiste, et ce n’était guère un Associateur »
124 Le Sabbat n’a été imposé qu’à ceux qui divergeaient à son sujet. Ton Seigneur arbitrera sûrement entre eux le jour de la Résurrection dans ce qui était l’objet de leur discorde.

Par un autre verset nous savons que cette opposition de vue concerne les juifs (et non pas les fils d’Israël) et les chrétiens. Traduit ainsi, le verset semblerait indiquer que le Sabbat serait une punition à leur encontre pour avoir divergé sur la question fondamentale de l’Unicité.  Or, le Sabbat n’est pas une punition mais bien une Miséricorde. Et si les communautés sont en désaccord, c’est que chacune se devait d’adopter un jour différent. Voilà pour la fin du verset 124.

Le Sabbat n’est pas institué dans le Coran. A la place, nous avons le jour de Jumu’ah, c’est à dire aujourd’hui. Voici la fin de la sourate:

62.9 Ô vous qui avez cru ! Quand on appelle à la Salat du jour du Vendredi, accourez à l’invocation d’Allah et laissez tout négoce. Cela est bien meilleur pour vous, si vous saviez !
10 Puis quand la Salat est achevée, dispersez-vous sur terre et recherchez [quelque effet] de la grâce d’Allah, et invoquez beaucoup Allah afin que vous réussissiez.

Même si l’on peut toujours parvenir à trouver une explication alternative, il semble clair qu’il n’y a aucun jour de repos entier imposé. En revanche, l’injonction à se rendre à la mosquée est impératif. Le travail, le commerce, les loisirs peuvent reprendre une fois le temps du rassemblement est achevé. La sourate se conclut ainsi:

11 Quand ils entrevoient quelque commerce ou quelque divertissement, ils s’y dispersent et te laissent debout. Dis: « Ce qui est auprès d’Allah est bien meilleur que le divertissement et le commerce, et Allah est le Meilleur des pourvoyeurs. »

Ce verset semble enjoindre les croyants à poursuivre le rappel d’Allah une fois le rassemblement terminé pour ceux qui n’ont pas de travail à reprendre. Nous pouvons estimer que les achats nécessaires à la vie quotidienne sont permis, ainsi que les divertissements qui n’éloignent pas de la foi, mais plutôt qui vont la renforcer.

Le schéma de la Révélation aide à comprendre l’attribution du jour de repos.

Le jour du Seigneur entre dans le cadre de la Loi des Nations. Le Sabbat se voit décomposé en deux parties, l’une est le repos imposé, l’autre est l’exclusivité d’un temps sacerdotal. Pour nous aider, le schéma du Miskan:

Le Sabbat de la chair reste sur le Parvis. Le Sabbat de l’âme se situe dans l’endroit Saint. Il se décompose donc suivant les deux voies. Au nord, la voie deutéronomique, la voie de l’Esprit, consiste au respect d’un jour de repos dans la semaine de 7 jours. La voie du sud, sacerdotale, impose un temps sacerdotal.

Perspectives

En conclusion, je peux exposer ma pratique personnelle. Je délaisse tout négoce une heure avant l’heure de l’adhan. Je m’emploie à ne pas perdre mon temps dans des futilités jusqu’à la tombée du jour. Le samedi soir à la tombée de la nuit, j’entre en période de repos. Pas de cuisine, pas de travail, pas de commerce. Cela signifie un repas froid et simple. Je ne recharge pas mes batteries par exemple. J’utilise les interrupteurs et un véhicule pour me rendre à la messe si je ne peux pas faire autrement. Les objets doivent aussi rester en repos, mais sans que cela devienne une contrainte absurde. Lorsque je suis dans le Cantal, je pratique la randonnée. C’est devenu une routine. Je prends cela comme de la contemplation sportive. Entretenir le corps est un commandement. En hiver, il est temps d’entretenir son esprit et de se cultiver, toujours dans l’optique d’adoration, bien entendu. Enfin, à la Messe, quelque soit le jour, pour le Notre Père, je ne mentionne pas le mot aujourd’hui, puisque le pain du jour est supposé être par moment de la veille. Maintenant, je ne nie pas avoir conservé un lien charnel avec la Torah.
Notons que nous pouvons comprendre au travers de l’insistance au sujet des guérisons lors du Sabbat dans les évangiles, que les professions de santé et plus généralement de services à la personne sont les plus susceptibles de bénéficier d’exceptions. Généralement, les emplois du temps tournent et accordent les jours de repos corrects une semaine sur deux.

Sur ce, paix sur vous, Jumu’ah moubarak et  saint Dimanche à tous.

 

Notes:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Shabbat

https://fr.wikipedia.org/wiki/Dimanche

https://www.stephanpain.com/2015/11/23/resurrection/

https://www.stephanpain.com/2015/07/14/avant-quabraham-fut-je-suis/

https://www.stephanpain.com/2014/07/02/les-trois-reniements-et-le-chant-du-coq/

https://www.stephanpain.com/miskan/